dimanche 17 juin 2012

Du temps de cerveau disponible pour ... l'ICANN

L'ICANN ? C'est quoi ce machin ?



C'est le truc qui fait que quand vous tapez une adresse internet dans votre navigateur, celui-ci est capable de s'y retrouver en interrogeant les systèmes mis en place et validés par l'ICANN. Bon, la plupart du temps personne ne tape plus une adresse directement dans son navigateur, c'est vrai, mais ça ne change rien, c'est valable aussi pour les adresses que vous avez dans vos marque-pages ou favoris, que vous trouvez dans Google ou via des liens un peu partout.

Les informaticiens marchent la tête à l'envers c'est bien connu de tous les non-informaticiens. Par exemple, pour eux, on commence à lire à partir de la droite, même quand ce sont des caractères latins (je ne vous dis pas le problème pour les noms de domaines en arabe ou en japonais).

En prenant au hasard un très bon site comme 2012a2017.blogspot.fr on sait donc, grâce à l'ICANN et à tous les autres acteurs que l'ICANN a adoubé, que ce site a été enregistré en France, puis est hébergé sur la plateforme Blogspot de blogs de Google, puis qu'il porte un nom unique et ô combien intelligent 2012a2017. Sur l'internet on n'a pas le droit aux espaces entre les mots et pour les lettres accentuées c'est très récent encore. La plupart du temps on se moque de ces informations, sauf lorsque c'est important.

Quand c'est un site qui se termine en .com ou .org ou autres extensions que tout le monde peut acheter, on n'a pas plus d'info que cela. Acheter un tel nom de domaine pour soi coûte entre 10 et 15 euros par an. On peut donc essayer d'acheter sarkozy.com (avec un m) s'il n'est pas déjà pris, car ici c'est la règle classique du "premier arrivé, premier servi" qui compte.

Maintenant, on trouve presque 300 extensions possibles, pour son domaine, certaines étant totalement ouvertes d'autres réservées. Par exemple pour avoir une extension en .museum il faut être un musée. Idem pour certains pays qui ont la plupart du temps des extensions en deux lettres, comme .fr.

Par le passé beaucoup de ces extensions ont été détournées de leur vraie signification, pour des raisons évidemment financières :
- .tv, qui correspond aux iles Tuvalu, est acheté en masse par des télévisions et des sites qui s'y rattachent
- .la, qui est a priori pour le Laos, est devenu l'extension officieuse pour Los Angeles (si, si)
- .ad, pour Andorre, utilisé pour la publicité et pas seulement sur les produits hors-taxes
- .sx, pour la partie néerlandaise de Saint-Martin, est utilisée largement dans les quartiers rouges, malgré le fait que le .xxx a été approuvé depuis un an.
Plein de gens se permettent ainsi des jeux de mots dans toutes les langues (de plui.es à sil.ly en passant par blo.gs)

Tout ça est fini.

Depuis ce mercredi, l'ICANN a dévoilé 1400 chaines de caractères qui pourraient devenir des extensions au même titre que .com ou .xxx ou .va (pour le Vatican, mais aucun rapport).

On multiplie d'un coup par 5 le nombre d'extensions possibles. D'où des opportunités et des risques comme toujours. Les frileux ont reculé ou n'ont pas osé demander une telle nouvelle extension (il fallait quand même budgéter quelques centaines de milliers d'euros sur un tel pari) et les innovateurs, les structures branchées et les requins des affaires se sont précipités dans cette brèche. Beaucoup plus que prévu !

L'ICANN, qui est un machin à faire pâlir l'ONU d'efficacité (normal, ils sont à la racine de l'Internet, donc ils sont mal chaussés comme tous les cordonniers, comme le dit le dicton "Yes ICANN not"), a pris du retard, planté son système et dévoilé par erreur les coordonnées personnelles des porteurs de projets. Mais la liste est parue.

Regardons-la et imaginons l'Internet du futur (compter 9 à 20 mois quand même minimum pour le déploiement des premières extensions, toutes ne seront pas validées, on verra). D'ailleurs tout le monde, OUI TOUT LE MONDE, peut réagir à chacune de ces extensions.

C'est une vraie révolution, qui va changer notre regard sur les adresses des sites internet. Ce sont des avis personnels évidemment (c'est un blog, non ?) mais de quelqu'un qui connait pas mal ce milieu :

.blog est revendiqué par beaucoup de candidats différents. C'est un gros marché parait-il, mais qui lit encore les blogs ? (tournez-vous vers votre miroir, svp). A quand 2012a2017.blog ? Avant ou après 2017 ? ah ah !

Parmi les autres mots très demandés, notons .app .art .mail .book .cloud .design .free .game .home .hotel .inc .ltd .law .love .movie .music .news .now .sale .shop .store .style .tech .vip .web
Rien de bien excitant. La plupart de ces noms seront ouverts à tous. Rien n'empêchera quelqu'un de choisir beautiful.art pour un site qui devrait se trouver en .sx, ou all.free pour un site payant.

2/3 des demandes concernent des parques commerciales qui cherchent ainsi à se protéger des voleurs ou à valoriser leurs produits et leurs clients. J'imagine assez bien un site en .lego pour mon fils (et son père niark niark) ou un .nico pour Sarkozy mais la plupart ne seront que peu visibles.

Une mention pour la France, assez peu présente (les français ont encore une fois prouvé leur frilosité), mais quand même bien représentée par des collectivités territoriales plus dynamiques : 4 régions (.alsace  .corsica .bzh .aquitaine) et .paris pour tous les amoureux de Paris dans le monde !!! Je veux un .paris !!!

La Francophonie est peu présente. Quelques fleurons perdus de cette noble idée :.brussels en français dans le texte -  .quebec sans accent (ça va plaire aux autres canadiens, ça, avec ou sans accent !) - .swiss parce qu'ils doivent en avoir marre du .ch en français -  .zuerich pour ce que nous on appelle Zurich... No comment...

L'Afrique était suspendue depuis des mois à la bataille pour le .africa. Qui l'aurait ? Au début c'est une richissime éthiopienne qui avait prévu de le déposer, et elle avait beaucoup travaillé pour obtenir des soutiens qu'elle a eus. Ensuite l'Union africaine s'est emparée du projet, piloté maintenant par l'Afrique du Sud qui représente les trois-quarts des noms de domaine africains et les soutiens officiels sont passé à ce projet légitime. Mais cette chère madame n'a pas abandonné. Résultat, mercredi les experts scrutaient la liste des candidatures. Quoi ? Un seul .africa par l'Union africaine ? Elle avait donc abandonné ? Que non point ! Elle s'est trompé et a déposé un projet pour le .africa mais en mettant comme extension .... boum boum boum boum ... .dotafrica !!!
(En anglais .africa se dit "dot africa", comme on dirait "point africa" en français). Donc elle a déposé la seule extension avec deux points "dot dot africa"). Grosse rigolade et au moins un employé qui s'est fait virer c'est sûr, car l'intérieur du dossier, accessible publiquement parle bien du .africa. A suivre donc.

Les religieux et assimilés ne sont pas en reste : .bible - deux .church - .catholic (aussi en cyrillique, chinois et arabe par le Vatican himself) - .halal en Turquie et .kosher aux USA. N'oublions pas les mormons avec .lds, et les autres avec .guru... www.georges.guru ? pas mal !

Notons .black .blue .green .pink .red pour les daltoniens (par le même candidat, bien que le vert soit aussi revendiqué par des écologistes). Notons .george par Wal-mart aux USA sur lequel je préempte mon nom de famille. Quelques noms très SMS comme .sucks .lol .wtf. D'autres noms réservés comme .tata .tatar

Enfin une incidente sur une question pas si banale que ça : Est-ce que cela sera mieux après ?

Un exemple : le monde universitaire que j'affectionne particulièrement, est plein d'institutions vénérables et sérieuses, mais aussi de margoulins qui font croire aux étudiants et à leurs parents qu'ils délivrent des diplômes officiels. Certains les vendent juste contre des dollars. D'autres essayent d'attirer des crédits. Jusqu'à maintenant ils devaient se servir de noms de domaines peu visibles, sauf à être présents aux USA et à avoir le droit d'utiliser le réputé .edu, malheureusement presque entièrement réservé à ce pays et assez contrôlé.

Dans la nouvelle liste, on trouve plusieurs extensions pour cela, malheureusement toutes portées par des sociétés commerciales qui ont affiché le mercantilisme comme seule déontologie. Toutes ces officines et boites à diplômes pourraient donc disposer d'adresses en .university .college .mba .phd ou .academy s'ils le souhaitent, sans aucun contrôle. La société qui les a déposés en a déposé 307 en tout (si si) couvrant beaucoup de mots du vocabulaire anglais.

Dans un monde idéal, on aurait eu droit par exemple à une extension portée par la communauté universitaire et garantissant le sérieux des noms de domaine. Nous ne sommes pas dans un monde idéal. Attention donc aux futurs sorbonne.university ou sciences.academy. Rien ne prouve qu'ils seront ce qu'ils paraîtront être.

Dans quelques années, l'ICANN relancera un autre tour de table. Espérons qu'un peu d'éthique moins marchande sera passée par là. A vos commentaires, ici ou sur le site de l'ICANN !


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