lundi 13 mai 2013

LesCures Numériques

Le rapport Lescure est donc disponible depuis ce jour :

« Acte II de l’exception culturelle » : Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique.
Ici le texte intégral en deux tomes et 700 pages

(Ai-je le droit de publier ici ce logo ?)

Après que la France ait inventé l'exception culturelle, François souhaitait doter la France d'une politique revisitée à l'ère du numérique. Rappelez-vous qu'à l'époque d'origine le numérique grand public n'existait pas, ni l'internet. Les lobbies se sont mis en marche pour cette nouvelle politique. Lire, pour comprendre, ce très intéressant article du Nouvel Obs, histoire de démonter les pouvoirs dans ce microcosme qui joue à l'aristocratie culturelle. Les décisions de François ne sont pas encore connues évidemment. Mais maintenant il a une bonne photo des positions du microcosme des pros de la Culture, version Télé/Grands groupes/Grandes gueules. Lire ici l'avis d'un jeune soutien de François viré en cours de campagne sur le rapport Lescure.

Mais foin des manipulations habituelles entre culture et politique, qui sont une caractéristique française à laquelle François n'a rien changé. Regardons les propositions du rapport (Page 473 du tome 1) dont voici quelques extraits, avec mes commentaires en italiques :


1. Conduire des négociations avec les organisations représentatives, afin d’établir des codes des usages, destinés à être étendus par arrêté, en vue de consacrer le numérique comme un mode principal d’exploitation des œuvres...
--- C'est à dire arrêter le numérique comme un mode secondaire à côté du "physique". Le numérique gagne donc ses galons de mode principal, avec les droits et les devoirs associés.

2. Conditionner la délivrance des aides publiques à la création ou à la numérisation à la garantie de la disponibilité de l’œuvre sur au moins un service culturel numérique conventionné.
--- Il y aura donc des services numériques "conventionnés" comme les médecins, et d'autres, libres. La liste sera intéressante à regarder.

7. Inviter les professionnels du cinéma à amender l’accord du 6 juillet 2009 pour : avancer la fenêtre VàD à trois mois, pour l’ensemble des services de VàD ou uniquement pour ceux ayant pris des engagements volontaires dans le cadre du dispositif de conventionnement ; instituer une commission professionnelle au sein du CNC, compétente pour autoriser des expérimentations et des dérogations ; avancer la fenêtre de la VàDA à 18 mois ; introduire un principe de fenêtres glissantes pour les films tirés sur moins de 100 copies ; interdire ou limiter les gels de droit VàD pendant les diffusions télévisées.
--- Il s'agit, enfin, de raccourcir le délai pendant lequel les films ne peuvent être diffusés en dehors des salles. C'est encore un tout petit pas, pour la VOD ou VàD en français.

10. Veiller au respect de l’échéance du 1er janvier 2015 pour l’application de la règle du pays du consommateur en matière de TVA sur les services en ligne.
--- Ah, on va enfin payer des taxes françaises sur les services en ligne consommés en France ! Tant pis pour le Luxembourg ou l'Irlande...


17. ...Etendre ce mécanisme de conventionnement à l’ensemble des services culturels numériques, pour faire du CSA l’autorité de régulation des médias audiovisuels et culturels, linéaires et non linéaires.
--- Le CSA rafle la mise abc le conventionnement et l'observation des pratiques en ligne (18)

19. Imposer à tous les distributeurs (FAI, constructeurs de terminaux connectables, gestionnaires de magasins d’applications, voire plateformes communautaires) une obligation de distribuer les services culturels numériques conventionnés, assortie d’une procédure de règlement des différends, sous l’égide du CSA.
--- Nationalisation des plateformes numériques et des FAI, ou presque.

21. Plaider, dans le cadre de la révision de la directive 2006/112/CE, pour la consécration du principe de neutralité technologique, selon lequel un bien ou service doit être assujetti au même taux de TVA, qu’il soit distribué physiquement ou en ligne.
--- Baisser la TVA sur le livre numérique et autres produits exceptionnels (au sens culturel).

23. Inciter les éditeurs à mettre en place, sur une base volontaire, une gestion collective des usages numériques en bibliothèque.
--- Et pan pour les bibliothèques qui auront toujours autant de problèmes avec les éditeurs, juste incités ou encouragés (24).

26. Confier la régulation des mesures techniques de protection au CSA et lui donner les moyens d’exercer effectivement cette mission.
30. Confier au CSA une mission d’observation et d’analyse du partage de la valeur entre producteurs / éditeurs et services en ligne.
--- Encore le CSA ! (ils recrutent ?)

34. Dans l’hypothèse où les représentants des producteurs phonographiques refuseraient l’établissement d’un code des usages et/ou l’instauration d’une rémunération minimale pour les artistes, étudier la mise en place d’une gestion collective obligatoire des droits voisins pour le streaming puis pour le téléchargement.
--- Proposition surréaliste connaissant l'industrie musicale...

38. Instaurer au profit des producteurs de spectacle un droit sui generis leur permettant d’autoriser ou interdire la fixation des spectacles qu’ils ont produits et de négocier, à ce titre, une rémunération forfaitaire ou proportionnelle aux recettes de l’exploitation.
39. Intégrer la diffusion de captations de spectacles vivants dans les mécanismes de soutien aux entreprises de spectacle gérés par le CNV et l’ASTP.
--- Signé un directeur de théâtre, LOL

48. Instaurer une taxe sur les appareils connectés permettant de stocker ou de lire des contenus culturels.
--- Mon iPad !!!! C'est pas une télé ! Et en plus il y a la copie privée déjà !!!

50. Renforcer l’animation des DRAC concernant le soutien à l’art multimédia et numérique, mobiliser plus systématiquement le correspondant DiCréAM et définir des orientations nationales sous la forme d’une circulaire ministérielle.
--- Oulala ! Attention, l'Etat et ses directions régionales vont pondre une circulaire !

51. Renforcer l’articulation entre les interventions de l’Etat, des collectivités territoriales et des structures culturelles, en établissant des documents stratégiques régionaux.
--- Oulalalalalala, encore mieux : des stratégies régionales !!!

52. Mener une réflexion sur l’opportunité de créer un label « scènes numériques » pour les structures qui soutiennent les nouvelles formes créatives.
--- Signé un directeur de théâtre, LOL

53. Clarifier le cadre juridique applicable à la finance participative et le statut fiscal des contributions collectées par les plateformes de crowdfunding.
--- Comment l'Etat peut-il récupérer des sous sur le dos des sponsors privés sur KickStartter et autres.

54. Approfondir la réflexion sur la légalisation des échanges non marchands, afin d’en préciser les contours et de définir les modalités de leur reconnaissance juridique.
--- Transformer le non marchand en marchand. Les marchands détestent les particuliers, c'est bien connu, sauf quand ils achètent. Ces gens n'ont rien compris au participatif et à la philosophie de l'Internet.

55. Clarifier l’articulation entre réponse graduée et contrefaçon : demander aux Parquets de n’engager des poursuites pour contrefaçon que lorsqu’il existe des indices d’enrichissement personnel ou collectif ; engager, sous l’égide du CSPLA, une réflexion sur la redéfinition de la contrefaçon afin de prendre en compte le préjudice causé aux titulaires de droits et la finalité lucrative ou non de l’acte incriminé.
--- Intéressant de disjoindre contrefaçon et ex-Hadopi !

56. Alléger le dispositif de réponse graduée : renforcer la phase pédagogique, supprimer la sanction de suspension de l’accès Internet, dépénaliser la sanction et en réduire le montant, et faire de l’obligation de sécurisation une obligation de moyens.
--- Très important. Seulement une amende et réduite. Plus de condamnation pénale. Plus de coupure de l'accès internet. Obligation de moyens de sécuriser son ordinateur et plus obligation de résultat.

57. Confier au CSA la mise en œuvre de la réponse graduée ainsi allégée, afin d’inscrire la protection du droit d’auteur dans une politique globale de régulation de l’offre culturelle numérique.
--- Bye bye Hadopi et encore une fois le CSA rafle la mise.

61. Evaluer la faisabilité technique d’un dispositif de détection des sites miroirs, qui serait mis en œuvre par l’autorité administrative sous le contrôle du juge, pour garantir l’exécution durable de décisions de justice.
--- Bon courage !

68. Inviter les sociétés de gestion collective à étendre les accords conclus avec les plateformes communautaires, afin d’y inclure, dans des limites à définir, les œuvres transformatives.
--- Majeur, si elles sont d'accord.

69. Expertiser, sous l’égide du CSPLA, une extension de l’exception de citation, en ajoutant une finalité « créative ou transformative », dans un cadre non commercial.
--- Majeur également pour les oeuvres numériques

71. Inciter les enseignants à mettre à disposition les ressources numériques qu’ils produisent sous licence Creative Commons et encourager le développement de manuels pédagogiques sous licence libre.
--- Bof disent les éditeurs, Super disent les profs... Et les élèves si on leur taxe leurs iPads ?

74. Renforcer la protection du domaine public dans l’univers numérique : établir dans le code de la propriété intellectuelle une définition positive du domaine public ; indiquer que les reproductions fidèles d’œuvres du domaine public appartiennent aussi au domaine public, et affirmer la prééminence du domaine public sur les droits connexes.
--- Le domaine public couvrira aussi le numérique donc. Vive le patrimoine immatériel !



C'est un rapport décevant sous bien des aspects, à la lecture de ces propositions. Reste à lire les fiches en détail. Les gens qui connaissent l'Internet en ont visiblement été bien absents, mais ils ne fréquentent pas les bons dîners en ville...

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