mercredi 12 juin 2013

Printemps égéen

La mer Egée est une mer lourde d'Histoire. On n'est plus à l'époque d'Ulysse qui a fait un beau voyage et s'est perdu dans le coin et dans le reste de la Méditerranée.

Mais la Grèce et la Turquie font parler d'elles, toujours, dans ce coin du monde. Il n'y a pas de guerre en vue. Mais la situation démocratique est problématique des deux côtés de la mer.


En Turquie, les manifestations sur la maintenant fameuse place Taksim ont été brutalement interrompues hier et cette nuit avec l'intervention musclée de la police, quelques jours après le retour dans le pays du Premier ministre Erdogan. La situation a donc été reprise en mains (musclées). Il est vrai que l'image pour la Turquie commençait à devenir délicate (juste avant l'été et la saison touristique, rappelons-le). Le régime turc commençait à être un peu trop accusé d'une part de corruptions diverses (dont les corruptions immobilières et urbanistes qui ont été au démarrage de la crise actuelle à Istanbul, et d'autre part d'une islamisation forcée du pays qui a du mal à passer à la fois auprès des jeunes et dans la partie européenne à l'Ouest. Istanbul a toujours été le poumon de la Turquie. Une plateforme historique et idéalement placée à plusieurs carrefours du monde. L'aménagement d'un parc a fait déborder un vase qui commence à bien se remplir. En ramenant une place d'Istanbul sous le contrôle de la police, le pouvoir en place prend le risque d'étendre et de durcir le conflit. Mais, après tout, peut-être ne sait-il pas faire autrement. C'est un pouvoir élu légitimement. Il voudra cependant être réélu un jour...

Crise de régime ou, comme le dit le régime justement, simple manipulation d'ennemis de la Turquie qui veulent salir son image et son économie (touristique) et qui se sont tous mis d'accord en étant manipulés par Dieu (ou Allah) sait qui ? Erdogan a donc nettoyé la place et recevra les représentants des "contestataires"... Le mouvement dépassera-t-il les deux semaines ou va-t-il se rendormir ? A priori, il semble que la fracture est faite, vue d'ici et à moins d'un mois du début du Ramadan dans une Turquie officiellement à la fois laïque et islamique.

En Grèce, la crise est toujours économique évidemment. Mais la décision surprise de fermer la télé publique ERT, brutalement et sans préavis du jour au lendemain rappelle quelques souvenirs.

Qu'il y a ait des économies à faire dans ce secteur aussi, c'est certainement vrai, avec l'ajustement structurel imposé par la Troïka. Qu'il y ait une privatisation à venir pour faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat, c'est éminemment probable. Que l'information publique soit traitée comme une simple marchandise et montrée du doigt comme un repaire de défauts impossibles à corriger, c'est louche.

Certains en Grèce n'ont évidemment pas manqué de rappeler que la Junte au pouvoir dans les années noires en Grèce avait déjà fermé et contrôlé totalement l'audiovisuel public. Le parallèle est malheureux, dans le pays qui a officiellement inventé la démocratie, même si elle était limitée et différente de la nôtre. On aimait bien par exemple le principe de la démocratie athénienne de tirer au sort les dirigeants (pas tous mais la plupart) plutôt que d'avoir une classe politique de métier.

Alors évidemment, le fait que les employés de la télé grecque continuent ce matin à émettre sur l'Internet et à partir d'un local prêté par le parti communiste grec évoque une situation radicalement différente d'une analyse purement économique.

Le printemps a été pourri en France, mais il y a, autour de la mer Egée où il fait presque toujours beau, une odeur de printemps citoyen qui fleure bon. Si vous ajoutez à ça le scandale en pleine explosion  du contrôle par les Etats de nos vies privées, à grande échelle, et pas seulement aux USA, vous avez là, peut-être une prise de conscince de citoyens normaux que les Etats se mêlent de ce qui ne les regardent pas et qu'au contraire ils ne se mêlent pas de ce qu'ils devraient gérer.

Une petite nouvelle lue au hasard et qui va dans ce sens : quelques années après la grande crise bancaire qui avait en grande partie était déclenchée par les banques proposant des "produits" spéculatifs pourris en masse, on croyait la leçon apprise par les banques qui ont été, rappelons-le indemnisées et protégées par les Etats. Or il se trouve que les banques recommencent, avec la bénédictions des Etats les contrôlant, à proposer de nouveaux produits pourris de même nature et qui devraient donc avoir les mêmes effets. La vie n'est-elle pas merveilleuse ?


PS : C'est ce même jour qu'ARTE a choisi pour diffuser le premier épisode de sa série d'été sur l'histoire de ... Ulysse ... justement. A suivre donc ;)

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