mercredi 23 octobre 2013

Et si on parlait de Montesquieu un peu, messieurs de l'ARCEP

Décision intéressante hier. On est entre la justice, la constitution et la séparation des pouvoirs.

Rien de dramatique, rien d'un scandale politique, juste une affaire très technique. Un opérateur de télécommunications (Numéricable) qui avait été condamné il y a quelques années pour de bonnes raisons a vu sa condamnation annulée, car l'Autorité qui l'avait sanctionné s'était mélangé les pinceaux. Le Conseil constitutionnel puis le Conseil d'Etat, autrement dit les plus hautes autorités constitutionnelles et administratives ont dû approuver cette annulation. J'en tire deux conclusions.

Dans le domaine précis des télécommunications et des médias (à la mode puisque le Conseil européen en parlera dès demain), cette fameuse autorité française est importante. L'ARCEP, Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, est le gendarme de ce secteur. C'est une des structures de l'Etat mais elle est indépendante du gouvernement et c'est là que le bât blesse. Au fil des années et des lois, cette Autorité a accumulé des pouvoirs incompatibles les uns avec les autres, notamment ceux d'investigation, d'instruction et de sanction/poursuite. C'est un peu comme si la même personne enquêtait sur vous, instruisait votre dossier, vous jugeait, vous condamnait et exigeait une amende. Ca fait beaucoup.

Ce secteur est donc veuf de son gendarme, alors même que de multiples décisions sont nécessaires, de l'attribution de nouvelles fréquences, aux déploiement de la 4G, à la régulation d'un secteur qui adorerait être dérégulé. Ce n'est semble-t-il une surprise pour aucun des technocrates intéressés par ce domaine. Le gouvernement travaille évidemment déjà à inclure dans un projet de loi (qui n'a rien à voir) des ajustements pour remédier à cette situation. La structure interne de cette Autorité devra aussi évoluer pour assurer la séparation de ces pouvoirs, notamment celle du pouvoir de sanction. Tous les groupes du secteur sont en train de revoir les procédures précédemment arbitrées, celles en cours et celles à venir pour décider lesquelles peuvent être contestés. Ca promet du sport !

Vous noterez qu'à l'époque le français s'orthographiait différemment ;)

Dans le domaine de la séparation des pouvoirs, chère à Montesquieu, "il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice". Le lien ci-dessus pointe vers un article savant mais facile à lire pour comprendre l'importance de ce sujet. Pas besoin d'être un expert en droit constitutionnel pour le lire. Si vous avez le temps, faites-le ! Chaque Etat a pensé un équilibre entre les pouvoirs avec des rôles différents entre les différentes autorités exécutives, législatives et bien sûr judiciaires. Cet équilibre évolue lentement avec le temps, à coup de décisions des Conseils constitutionnels ou des Cours suprêmes, ou à chaque changement - rare - de constitution. En France comme ailleurs. Le diable est dans les détails et la répartition des pouvoirs fluctue avec le temps, comme lorsqu'on fusionne plusieurs autorités. Voir l'exemple récent du CSA dans le domaine audiovisuel. L'affaire de l'ARCEP montre bien que même au sein d'une institution ces problèmes se posent. La non confusion des pouvoirs sous une même autorité est nécessaire.

Tout ça n'est valable que s'il y a une autorité supérieure. Une autorité qui organise les autres et qui vérifie, évalue et corrige. Certains pourraient croire qu'en France c'est le Président de la République. C'est faux évidemment. L'autorité suprême n'est pas non plus le Parlement ou le Conseil constitutionnel.
L'autorité suprême, c'est et ce ne peut être que... le peuple. Oui. Evidence à rappeler de temps en temps, à nos chers dirigeants, à nos parlementaires et à nos administrations et autres "autorités".

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