mardi 22 octobre 2013

On se fait une e-bouffe ?

Déjeuner de e-têtes à l'Elysée autour du numérique. Témoignages ici (avant le déjeuner). A noter une petite capture d'écran avec un PDG français aimant le Coca Cola, Roy Liechtenstein et surtout "Woman in Bath". Beau symbole des industries françaises et de leur place dans l'économie mondiale. Beau symbole du peu d'importance de la langue française dans ce secteur...

Il s'agit donc de préparer des réunions du Conseil européen consacrées au numérique et d'imaginer la manière dont l'Etat peut appuyer le numérique. Un million d'emplois créés dans quelques années ? La possibilité de former des milliers de jeunes ? L'importance de former tout le monde à un socle minimal de techniques et de méthodes utiles dans notre vie actuelle, largement "digitalisée" ou numérique si on est francophone ?

En pleine polémique sur la NSA et la vie privée sur l'Internet, c'est rafraichissant. On sait que ce Conseil sera consacré à la vie privée aux mesures anti-espionnage et à une relance européenne face aux américains. Le Conseil se déroule les 24 et 25 octobre et parlera aussi fiscalité. Fiscalité du numérique, histoire de prendre un peu de taxes à ces industriels établis ailleurs et faisant leur chiffre en Europe. Vaste sujet sur lequel les lobbies sont en pleine action. A titre d'exemple, il sera difficile d'arriver à un consensus sur la manière de faire payer les industriels (américains) car ils sont établis au Luxembourg et en Irlande... Le groupe d'experts "de haut niveau" que vient de lancer l'UE rendra sa copie dans 6 mois. On leur souhaite bon courage. Ils devraient quand même arriver à se mettre d'accord sur quelques principes de base comme celui de la TVA (et ses équivalents dans tous les pays) : faut-il la payer dans le pays d'origine du service ou dans le pays où le service est délivré ?

Nos entrepreneurs français ont donc plein d'idées à donner mais la France est bien isolée dans cette marée numérique. Nous n'avons pas l'air d'assumer notre rôle innovant, sur le plan politique. Tout se passe comme si il suffisait de laisser les entreprises éclore puis se faire racheter. C'est très généreux mais complètement naïf. Il est difficile de comprendre d'où vient ce comportement idéaliste qui est tout sauf neuf. Parmi les causes proposées, on trouve par exemple :
- les socialistes ne comprennent rien au numérique et à l'entreprise.
- les conservateurs non plus d'ailleurs
- les grands groupes français verrouillent leur marché intérieur captif et empêchent la naissance d'autres groupes
- les ingénieurs et autres technocrates verrouillent leurs grands corps et brident l'innovation réelle
- les jeunes bien formés au numérique, et il y en a des tonnes, vont ailleurs avec leur french touch
- les investisseurs et les banques ne prennent pas de risques
- c'est la faute de l'autre, c'est pas moi...

Un des principaux problèmes à mon avis est lié à la séparation du numérique comme secteur particulier. Les spécialistes, issus de ce secteur, expliquent évidemment que c'est plue pertinent, surtout au démarrage pour des effets d'échelle et de masse critique, mais aussi de leadership. Le problème est que l'on glisse facilement vers un secteur qui s'autoreproduit et qui crée ses propres règles, en-dehors du reste de la société. On en voit des exemples partout et je n'en citerai qu'un qui agite plein de gens, à la pointe de la mode : le numérique éducatif doit-il être piloté par des spécialistes du numériques ou par des éducateurs ? Ne devrait-on pas parler plutôt d'éducation (en partie) par le numérique ? Les MOOC sont l'illustration parfaite de ce débat non tranché. Les spécialistes de ce domaine parlent de leur activité comme transversale, globale et ramènent les "champs d'application" à des applications métiers, des applications professionnelles, dans une pure logique de demande contrôlée par l'offre. Cette analyse est un peu réductrice, je sais, mais elle doit être conduite. Un déjeuner avec ds spécialistes lobbyistes de ce secteur n'y suffira pas, ni même le mini-sommet organisé il y a un mois à Paris.

L'expérience humaine montre que lorsque l'on confie le pouvoir à quelqu'un, il est très difficile de lui reprendre. C'est peut-être pourquoi les RAM (les gens du numérique, par opposition aux ROM les gens du voyage) ont tellement envie de contrôler ce processus. Amazon a commencé dans la vente par correspondance d'objets et règne sur des empires virtuels. Google a commencé par le numérique et règne sur la publicité et bientôt le monde réel, Apple a réussi à être présent dans les deux mondes... Quel que soit l'ordre qu'on choisit (numérique vers réel ou l'inverse) il est très souvent souhaitable d'avoir un pied dans chaque monde.

C'est ce que le monde de l'édition français n'a pas compris. Espérons qu'il le comprenne avant de disparaître comme cerveau autonome. Mais ce n'est qu'un avis personnel...









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