dimanche 22 juin 2014

Du temps de cerveau pour... Une nouvelle trente neuf marches

Albert adorait James Bond. C'était son modèle en tout et Albert n'avait qu'une ambition : réussir à sauver le monde à la dernière seconde. Malheureusement, deux problèmes semblaient empêcher Albert de réussir : il n'y avait pas de menace terrifiante à stopper, et Albert avait un gros cou. Il ressemblait beaucoup plus à un garçon boucher qu'à Sean Connery et son élégance n'aurait meme pas impressionné la marchande de légumes du coin.


Pour changer son apparence, Albert avait beaucoup travaillé. Mais la musculation avait développé son cou et les talonnettes n'avaient pas réussi à lui faire atteindre une taille honorable. Comme il avait de bonnes notions de couture, il avait quand même réussi à se fabriquer des vêtements qui le mettaient plutôt en valeur, avec notamment de très belles chemises qui comprenaient sous le bras gauche une poche secrète pour son revolver. Des poches secrètes, il en avait mis partout. Ça pouvait toujours être utile, même s'il ne savait pas trop quoi mettre dedans. La marchande de légumes avait commencé à le regarder d'un autre œil, mais il savait bien qu'il était encore loin de son personnage favori.

Pour les menaces terrifiantes, c'était une autre affaire ! Ils n'entendait parler de rien mais comme il y avait forcément des menaces, il pensait qu'elles étaient tuées dans l'œuf par d'autres James Bond avant qu'il puisse intervenir. En plus, il manquait cruellement d'informations, n'appartenant évidemment à aucun service secret, petit ou grand.

C'est pourquoi Albert avait finalement décidé d'inventer lui-même une menace terrifiante qu'il pourrait donc finalement anéantir avec éclat. Il avait choisi comme instrument principal de la menace les brocolis, toujours en hommage à James. Ce n'était pas un choix facile à transformer en menace globale mais Albert était un producteur né d'idées bizarres et il se mit à préparer son coup, ce qui lui avait pris plusieurs mois.

Et c'était finalement le grand jour ! Tout était prêt et Albert appuya sur le bouton, rouge évidemment, car qui imaginerait un bouton vert pour une menace planétaire. A ce moment précis trois choses devaient se passer : une opération complexe de transmutation devait être enclenchée qui allait transformer tous les brocolis du monde entier en bombes nucléaires, grâce à la diffusion d'un gaz spécial qui pénètrerait partout et qui couvrirait la terre entière en deux heures. Un ultimatum devait être envoyé à l'ONU où se tiendrait justement dans deux heures un dîner rassemblant les principaux responsables politiques du monde. Et surtout le compte à rebours de deux heures devait se mettre en route pour déclencher la mise à feu des brocolis. Albert avait évidemment pris soin de vérifier qu'il y aurait bien des brocolis servis à ce dîner de gala, et que l'ultimatum soit diffusé partout. Pour que la menace soit terrifiante, il demandait une somme astronomique pour arrêter la menace qu'il décrivait simplement comme l'explosion concomitante de millions de bombes atomiques.

Albert avait conscience que cette menace n'était pas forcément crédible, aussi avait-il préparé quelques brocolis spécialement pour éclater plus tôt, avec très peu de puissance, histoire de démontrer ses capacités.

Comme il s'y attendait il n'y eut d'abord aucune réaction à son ultimatum. Mais dès que les premières explosions simultanées eurent lieu aux quatre coins du monde, tout les services secrets s'agitèrent pour détruire la menace. Il leur restait à cet instant 90 minutes et Albert alla prendre un verre au bistrot du coin, car lui il avait le temps. Il lui suffisait d'appuyer sur le bouton jaune dans sa poche et la menace disparaîtrait instantanément. Il avait prévu d'attendre les dernières secondes pour ça, et avait déjà organisé une conférence de presse pour juste après.

Pendant qu'Albert sirotait son pastis, la télé retransmettait des images de responsables affolés, d'experts incompétents (ce qui est un oxymore à la télé) et de patrouilles de police qui donnaient l'impression aux spectateurs que tout était sous contrôle. Albert sourit et tâta le boîtier dans l'une de ses poches secrètes. C'est à ce moment qu'il vit entrer dans le café la marchande de légumes. Elle lui sourit et s'assit à côté de lui. Il l'avait toujours trouvée jolie, trop bien pour lui, mais il ne lui avait pas beaucoup parlé, sauf en achetant ses brocolis pour ses expériences.

Quand elle braqua un revolver sur son front, Albert comprit que quelque chose clochait. Quand elle tira, sa tête explosa comme un chou fleur rouge. Albert ne sut jamais comment il avait été identifié. Il ne put pas la voir prendre tranquillement dans sa poche le boîtier au bouton jaune et le détruire. Il ne sut jamais qu'il avait été manipulé par le gang des brocolis dont elle était la cheffe. Et de toutes façons cela n'avait aucune importance puisque les bombes explosèrent toutes à l'heure dite.

Pendant des siècles après le grand cataclysme, le souvenir d'Albert le terroriste haï qui avait détruit le monde fut commémoré, notamment par l'église du grand brocoli qui avait pris le pouvoir sur la Terre quand tous les autres s'étaient effondrés. Albert aurait pu en être fier : il était enfin devenu plus connu que James Bond !

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