lundi 6 octobre 2014

Identité, culture, religion, universalisme ?

Petite réaction à la lecture d'une entrevue d'Olivier Roy dans Libé ce week-end. Il y parle de l'Islam et de ces engouements pour des causes extrémistes, nihilistes, en grand développement à la fois en Ortient et en Occident. Le titre accrocheur (car un titre doit toujours être accrocheur) est : «Le jihad est aujourd’hui la seule cause sur le marché»... Il s'agit d'une comparaison avec les causes des années 60, une ou deux générations avant celle-ci. Une génération pour la faire, la révolution. Une autre pour la digérer. Et maintenant ? Qu'est-ce qui st proposé aux jeunes face à leurs désirs du Monde, de l'Aide, de l'Aventure politique ?

Cette interview st intéressant à lire car il fait réfléchir. Le parallélisme entre l'humanitaire et le jihad est évident, une fois lu, mais pourtant il reste paradoxal. Dans un cas, il s'agit d'aider des populations pauvres à s'en sortir en allant sur le terrain, dans l'autre, il s'agit d'aider des populations pauvres à s'en sortir en allant sur le terrain. Dans le premier cas on ne prend pas de vies, mais dans le second on en prend. Le parallèle est choquant évidemment mais la réalité est choquante aussi et cela ne sert à rien de se voiler la face. Ce qui permet de pencher d'un côté ou de l'autre est lié à l'extrémisme identitaire.

Ce fameux débat de philosophes et de sociologues entre culture et identité est en train de ressurgir à la face du monde, de manière violente. La culture met du temps à se construire, alors que l'identité peut surgir en quelques minutes devant ceux qui ont besoin de s'en forger une, ou une autre. Et la vitesse du monde, poussé par une instantanéité des communications et une volatilité de l'information dans toutes sortes de médias, privilégie naturellement la rapidité à la lenteur de la construction. Même le politique se complait dans le très court terme au lieu de bâtir dans le temps.

Ce besoin d'un temps immédiat pour agir pousse les plus fragiles dans leur culture à choisir vite une cause. Ceux qui restent silencieux sont de plus en plus nombreux car leur objectif n'est pas de briller mais de vivre, tout simplement, ni cachés ni en première ligne. Des modérés. La modération ne s'affiche pas, par définition et même si elle s'affichait elle n'intéresserait personne. Ce qui s'affiche est aux extrêmes et ça tombe bien puisque les extrémistes adorent s'afficher, c'est m^me leur récompense.

On aimerait lire plus souvent dans la presse des analyses de ce type, merci à Libé. Je retiens le petit coup de patte contre Alain Finkielkraut à la fin de l'article : "il n’y a pas d’humanité sans universel. On a sacrifié la culture à l’identité, et de l’identité rien ne sort : ni culture ni universel"... Autour de la bataille de concepts, il y a là un vrai débat comme les philosophes n'en font plus beaucoup.

On manque de philosophes (pas des Bernard-Henri Lévy, s'il vous plaît) et de causes. Alors quelles causes au-delà de ce faux jihad imposé à des populations qui n'en veulent pas ? La révolution est un idéal qui a reculé un peu partout. La démocratie ne peut suffire à faire bouger les foules, même en Asie, de la Thaïlande à Hong Kong. Pareil pour les droits de l'Homme. L'humanitaire pur est réservé à des gens éduqués. L'Internet libre est le royaume de spécialistes pointus qui vivent sur une autre planète. Reste l'écologie, au sens le plus terre à terre possible : le changement climatique, un choc pour sauver les générations futures et pour faire vivre l'espèce humaine ? Encore faudrait-il que les hérauts de cette bataille soient charismatiques et puissants... On en est loin.

Petit exercice pratique pour la prochaine fois : coincez quelques jeunes et demandez-leur pour quelles causes ils seraient prêts 1) à agir 2) à se battre. Puis discutez avec eux et synthétisez vos conclusions.
Vous avez une semaine et quatre pages.

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