dimanche 4 janvier 2015

Du temps de cerveau pour... une nouvelle fois sans garde plus un

(Lisez le début de cette nouvelle ici)

- Le Père Noël ? s’étonna Prosper avec un petit mouvement de recul
- Mais oui mon garçon. Tu m’as bien écrit, non ? Lui dit d’un ton enjoué le personnage tout en blanc assis en face de lui.
- Euh oui... mais je ne croyais pas..
- Tsss, tsss... Avec la lettre que tu m’as envoyée, nous ne pouvions pas rester indifférents.
- Nous ? demanda Prosper. Nous c’est qui ?
- Nous les Père Noël bien sûr, lui répondit le Père Noël en face de lui.
- Vous êtes plusieurs ?
- Evidemment ! Comment penses-tu que nous ferions si nous n’étions qu’un seul ? La Terre est grande et il y a des centaines de millions d’enfants qui écrivent au Père Noël. Même avec le décalage horaire et des moyens magiques nous devons être plusieurs.
- Mais vous êtes combien alors ?
- Ca n’a aucune importance mon garçon. Nous sommes suffisamment. Je suis le Père Noël de ta zone, cela doit te suffire, conclut l’homme en blanc avec un ton gentil mais autoritaire.
- Euh... D’accord. Merci Père Noël. Alors vous avez vraiment lu ma lettre ? demanda Prosper
- Oui mon garçon. Ta lettre a suivi le circuit court. Elle est arrivée au service de la Poste comme toutes les autres et là notre agent a repéré que c’était une lettre pas comme les autres. Il l’a glissée dans le sac spécial et elle est arrivée instantanément sur mon bureau. Je l’ai lue, l’ai relue et puis je l’ai glissée dans le sac à partage.
- Votre agent ? Le sac à partage ? Je ne comprends pas, dit Prosper.
- Nous avons des agents dans tous les services postaux pour le Père Noël pour repérer les lettres importantes. Les autres sont traitées par les services postaux terriens habituels. Et les lettres vraiment très importantes sont mises dans le sac à partage afin que tous les Père Noël la voient et donnent leur avis sur les suites à donner.
- Et ma lettre s’est retrouvée dans le sac à partage ?
- Oui mon garçon.
- Et ensuite ? demanda Prosper avec un quelques tremblements dans la voix.
- Eh bien, je suis là, non ? répondit du tac au tac le Père Noël. Ta lettre est ressortie du sac à partage avec un avis unanime de tous les Père Noël. Cela faisait longtemps qu’un vote à l’unanimité n’avait pas été exprimé... presque deux mille ans si je me souviens bien. En tous cas nos règles sont claires.
- Vos règles ? balbutia Prosper
- Oui nos règles. Il y toujours des règles (et des exceptions bien sûr, mais c’est une autre histoire). Et l’une de nos règles principales dit qu’en cas d’unanimité le voeu doit être exaucé et qu’une rencontre en face à face doit être organisée juste après la nuit de Noël. C’est pourquoi je suis ici, mon garçon ! conclut le Père Noël d’un ton satisfait, car ton voeu est exceptionnel et nous avons décidé de le réaliser. Cela faisait trop longtemps et c’est pourquoi le vote a été unanime en ta faveur. C’est clair ?
- Euh... Oui, Père Noël, c’est clair. Mais je ne suis pas certain de bien comprendre, enchaîna Prosper. Vous me dites que mon voeu va être réalisé ?
- Oui, dit le Père Noël, en regardant fixement Prosper dans les yeux.
- Mais c’est impossible ! Mon voeu est impossible à satisfaire ! La paix dans le monde et la fin de tous les racismes sur la Terre ? C’est utopique! s’exclama Prosper.

Le Père Noël, enfin celui de sa zone, leva le sourcil gauche et se contenta de le regarder fixement quelques secondes. Prosper remua. Il sentait un fourmillement dans tout son corps et un voile passa sur ses yeux. Il dut les fermer une seconde pour se ressaisir. Quand il les rouvrit, le Père Noël avait disparu. Prosper eut un regard étonné mais il n’y avait plus aucune trace du Père Noël, ou de l’homme en blanc. Ou même d’une quelconque visite chez lui.

Après quelques minutes, Prosper se leva et alla se préparer un café. Il avait dû rêver, se dit-il. C’était un joli rêve en fait et il sourit rien qu’au souvenir de cette « rencontre ». En mode automatique, comme tous les jours, il se prépara ses toasts, son beurre et sa confiture, puis sa tasse de café et son jus d’orange. Le temps de s’asseoir à sa minuscule table, il était persuadé que tout cela n’était qu’un rêve. Mais c’était un beau souvenir et il rêvassa en terminant son petit déjeuner. Jamais plus il n’écrirait au Père Noël (fallait-il dire aux Père Noël ?). Mais c’était quand même joli. Il décida d’envoyer un tweet. Un tweet simple « Joyeux Noël : Je demande la Paix dans le monde et la Fin de tous les racismes sur Terre ». Puis il se dirigea vers sa douche.

Prosper finissait de s’habiller quand quelqu’un frappa à sa porte. Il était 13 heures et Prosper se dit que c’était le fleuriste avec son bouquet d’anniversaire. Il ouvrit la porte avec un grand sourire.

La meute de journalistes qui entra dans son appartement ne lui laissa pas le temps de respirer. Les flashs crépitaient et le brouhaha était si fort qu’il ne comprenait rien à ce qu’on lui disait. Quelques journalistes brandissaient leur téléphone vers lui. Il réussit à y voir son tweet, en plusieurs langues même, plus des messages d’appui. Un message de Twitter même qui expliquait que devant l’afflux historique de tweets ils avaient décidé de créer des serveurs spéciaux pour le hashtag #Prosper.

Prosper vit aussi des dépêches d’agence qui reprenaient son tweet et qui annonçaient la fin de plusieurs guerres par des déclarations unilatérales mais convergentes des chefs des parties en cause. Les journalistes n’arrêtaient pas de parler. Prosper ne pouvait rien dire, mais cela leur paraissait bien égal. Lorsqu’il réussit à sortir, la rue était pleine de gens. Des bouquets de fleurs s’entassaient devant son immeuble. La foule le porta en triomphe. Prosper n’avait toujours rien pu dire, sauf « Merci », mais tous les gens disaient « Merci à vous ! » en réponse. Prosper fur reçu à 14 heures par le Président de la République qui lui remit les pleins pouvoirs. Vingt-quatre heures après, Prosper était devenu le Président du Monde et son premier décret fut d’interdire les guerres et les racismes sur la planète, mais c’était pour la beauté du geste car il était déjà entré en application.

Prosper n’a jamais oublié sa rencontre avec le Père Noël, ou plutôt avec le Père Noël de sa zone. Il n’en a parlé avec personne bien sûr. Qui l’aurait cru ? Mais chaque 25 décembre et chaque 25 juin, devenus jours fériés à l’échelle du globe, il se souvient des yeux du Père Noël, et il sourit. Il murmure « Merci » à midi pile. Et le monde tourne avec un peu plus d’allégresse.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire