vendredi 13 mars 2015

Terry Pratchett : quatre éléphants et une tortue en deuil

On vient d’apprendre la mort de Terry Pratchett, écrivain de 66 ans seulement qui aurait dû pouvoir écrire encore beaucoup de livres (quoique 70 livres c’est déjà pas mal). Il est mort des suites d’un Alzheimer rare et rapide qui l’empêchait entre autres d’écrire depuis l’été dernier.

Ceux qui ne connaissent pas Pratchett doivent se précipiter chez leur libraire favori et acheter par exemple « La huitième couleur », le premier de la série du Disque-Monde qui l’a rendue célèbre. Ils achèteront forcément le suivant... et le suivant ;) Je vous en mets quelques-uns pris au hasard dans ma collection personnelle...


Ces romans sont à lire en français car le traducteur a fait un travail extraordinaire - il a reçu un prix d’ailleurs. La version originale est en anglais british farci de jeux de mots partout et tout le temps. Très dur à lire sauf si vous être natif ou très bilingue. Mais le sel de ses romans est très bien rendu en français.

Le Disque-Monde était initialement (en 1983) une parodie de l’anneau-monde, un classique de la SF très sérieux et quasi scientifique. Dans le monde imaginé par Terry Pratchette la magie coule à flots (littéralement) et la lumière avance à des vitesses différentes suivant les endroits. Le monde est plat, comme la Terre. Comment ? La Terre est ronde, me dit-on dans l’oreillette ??? Ah bon ? Le Disque-Monde est donc un disque, porté comme dans les mythologies anciennes par quatre (grands) éléphants eux-mêmes debout sur une (très grande) tortue. Les personnages sont nombreux et tous plus ou moins magiques mais dans un sens rigolo et déjanté, pire que les Monty Python eux-mêmes, c’est dire. Tous les lecteurs adorent particulièrement la Mort, une des personnalités récurrentes de son cycle, qui est particulièrement attachant... Car la Mort est de sexe masculin, au fait.

Evidemment il a écrit d’autres romans et il y a eu plein de produits dérivés, cartes, atlas, guides de ce monde étrange, jeux et m^me un film passé inaperçu. Evidemment il est considéré comme le « deuxième » romancier anglais le plus important après JK Rowling. Pour moi, il est devant, car sa magie a lui est plus riche que celle d’Harry Potter. Et plus variée, plus jouissive. Mais aussi plus politique, plus critique et acerbe face à un monde qui aurait bien besoin d’un peu de magie. Plus la série avance et plus les romans tournent autour d’un phénomène de société ce qui permet à l’auteur de critiquer vertement des pans entiers de nos sociétés, de la presse aux juristes, en passant par les universitaires, Hollywood ou les policiers du Guet.

Il est mort trop jeune. Il aurait dû vivre 600 ans de plus pour atteindre 666 ans. Il a quand même réussi à éviter de mourir un vendredi 13, ça porte malheur et ça aurait été dommage pour la suite de sa carrière, en compagnie de la Mort.

Deux petits extraits, un sérieux (tiré des tribulations d’un mage en Aurient) pour célébrer le miracle de sa mort :

Le Destin gagne [toujours]. Du moins c’est ce qu’on prétend. Quoi qu’il arrive, on dit toujours parès coup que c’était le Destin*.

* On n’et jamais très clair sur la question, comme sur celle des miracles. Quand quelqu’un échappe à une mort certaine suite à un étrange concours de circonstances, on parle de miracle. Mais bien sûr, si quelqu’un est tué au terme d’un enchaînement improbable d’ »événements - l’huile répandue à un endroit précis, la barrière de sécurité cassée juste là où il ne fallait pas -, il s’agit aussi forcément d’un miracle. Ce n’est pas parce que l’issue est malheureuse qu’elle n’est pas miraculeuse.

Et un autre, plus typique pour expliquer le fonctionnement d’une caméra dans les zinzins d’Olive Oued :

« Ces six diablotins, là, poursuivit-il en les montrant d’un doigt prudent pour éviter les griffes, regardent par le petit trou devant la boite et peignent les images de ce qu’il voient. Il en faut six, d’accord ? Deux qui peignent les images et quatre qui soufflent dessus pour les sécher. A cause de l’image suivant qui arrive, tu vois. Parce qu’à chaque fois qu’on tourne cette manivelle, là, la bande de membrane transparente descend d’un cran pour l’image d’après. » Il tourna la manivelle. Elle fit clic-clic, et les démons baragouinèrent. 
« Pourquoi ils font ça ? » demanda Victor.
- Ah, répondit Electro, ça c’est parce que la manivelle actionne une petite roue garnie de fouets. C’est le seul moyen de les faire travailler assez vite. Tous ces diablotins, c’est feignants et compagnie.



Parmi les hommages, celui-ci chez XKCD, mais il y en a tellement... ;)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire