dimanche 28 juin 2015

Du temps de cerveau pour... Une nouvelle Nuit dans du neuf

Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes sous-marins quand tout à coup il y eut ce terrible accident.

Coralline était aux premières loges. Comme chaque matin, elle était venue faire sa cueillette dans cet endroit très populaire qu'on appelait la grande falaise. Ce matin-là, peut-être était-elle arrivée plus tôt que d'habitude, ou peut-être y avait-il moins de monde car c'était le jour des grandes migrations touristiques annuelles, en tous cas, elle était quasiment seule. Elle avait pu faire son marché et était très contente du résultat. Il y aurait assez à manger pour elle et pour sa petite famille. Elle était en train de faire une pause lorsque c'était arrivé. Elle se souvenait très bien.

Elle était installée prês du rocher plat et profitait de la vue. D'ici on voyait bien toute la falaise et l'angle vif qu'il a caractérisait. On lui avait dit qu'il y avait très longtemps, l'angle était encore plus vif, presque coupant. Pas du tout naturel. Mais avec le temps, la falaise s'était peuplee de délicieux coquillages et autres aliments succulents qui avaient fait la réputation de l'endroit. La falaise avait maintenant commencé à se peupler avec d'autres amateurs. Les habitués. Celui qu'elle préférait, c'était Monsieur Colère, qui malgré son nom était très gentil, sauf quand il se mettait en colère justement et qu'il devenait tout rouge et enflé. Et justement, à ce moment précis, Monsieur Colère arrivait à l'angle de la falaise. Il se retourna un instant pour lui faire un petit coucou de la nageoire droite, puis il amorça son virage. C'était l'un des grands plaisirs de la région, ce virage. Entre les courants d'eau horizontaux et verticaux, il y avait des tourbillons tout-à-fait aléatoires, comme sur des montagnes baltiques. 

Et le choc fut terrible. Le requin arrivait en sens opposé, clairement en excès de vitesse et sans aucun respect de la priorité. Comble de malchance, il était exactement à la même profondeur que Monsieur Colère. Le poisson lune eut le temps de gonfler juste au moment du choc et le requin aveuglé s'écrasa contre la falaise. Il y eut une grande onde de choc et Coralline faillit tomber du rocher plat. Puis la falaise s'écroula. Lentement au début, puis brutalement le long d'une fissure qui montait en flèche. Coralline n'en crut pas ses yeux. La falaise avait toujours été là, de mémoire de poisson bleu, et en quelques instants il n'y avait plus qu'un énorme tas de rochers et un nuage de boue. Emportée par le courant, Coralline réussit à ne pas être touchée par les débris, mais elle était sous le choc.

Coralline se reprit pourtant assez vite. Elle était infirmière de métier et elle sut tout de suite que son devoir l'appelait. Il devait y avoir des poissons blessés et il fallait les soigner. Elle revint donc très vite vers la falaise. Les premiers secours étaient arrivés et elle se mit tout de suite à la disposition du capitaine Rascasse, habitué des lieux et expert dans ce type de sauvetage. Il avait effectué un stage en haut, à l'air libre, auprès de la brigade des oiseaux-pompiers spécialisés dans le sauvetage des oiseux blessés qui jouaient avec les courants d'air autour des immeubles humains. Il arrivait souvent que deux pigeons se heurtent dans des circonstances analogues, en contournant un coin d'immeuble, et les oiseaux sauveteurs avaient dû développer des techniques adaptées de secours. Le capitaine avait importé ces techniques lors de son retour dans l'eau et ce jour-là elles furent très utiles.

A la fin de la journée, Coralline était épuisée. On dénombrait de nombreux poissons morts, du haut en bas de la falaise. Pas autant que pour une marée noire, evidemment, mais quand même cela faisait beaucoup. Les restes de Monsieur Colère et le requin avaient été difficiles à retrouver, mais ce soir tout semblait revenu à la normale. Enfin, se dit Coralline. Quelle journée !

Le lendemain matin, Coralline alla mécaniquement faire sa cueillette Elle n'avait pas oublié l'accident de la veille et la disparition pure et simple de la falaise, mais elle voulait voir ce qu'était devenu l'endroit, une fois les courants apaisés et la vase retombée. Malheureusement elle n'était pas la seule à avoir eu cette idée. La radio matinale avait en effet longuement parlé de l'accident et beaucoup de poisons curieux, les yeux ronds comme des billes étaient venus voir le lieu de la catastrophe. Coralline jugea cela malsain, mais elle-même se comportait pareil, alors elle décida de ne plus juger les autres poissons. Elle essaya de s'approcher du tas de débris, mais il y avait trop de poissons. Tous les bancs à côté du rocher plat étaient pris. Coralline eut juste le temps de saluer le capitaine Rascasse qui dirigeait le service d'ordre ét qui tentait d'éloigner les badauds, puis elle s'éloigna. Il n'y avait plus de falaise. Il allait falloir qu'elle trouve un autre endroit pour nourrir sa famille. 

Ce qui restait à la place n'avait aucun coquillage accroché et il faudrait certainement attendre très longtemps avant que les coquillage viennent s'arrimer à la statue d'humain qui était apparue. Elle était visiblement restée longtemps enfouie au cœur de la falaise, cette statue. Et elle était très belle, toute dorée et brillante, se dit Coralline. Ça ferait toujours une attraction dans le coin. Mais ça ne nourrirait pas sa famille. Elle soupira, eut une pensée émue pour Monsieur Colère, et se dirigea vers le fond. Peut-être à au pied du tas de débris pourrait-elle glaner quelques arapèdes ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire