samedi 21 novembre 2015

L’Europe dans le mur ou au-dessus ?

Décisions importantes hier pour l’Union européenne, lors d’une réunion des ministres de l’intérieur et de la justice. Drôle de couple que la police et la justice ensemble, mais en tous cas, à la demande de la France et sur fond de migrants en masse, l’Union a annoncé des mesures. Commentaires.

D’abord, il s’agit d’annonces, pour certaines suivies immédiatement d’effet à certains endroits, mais pas pour toutes les annonces et pas partout. L’Europe avait déjà fait le coup en janvier après les attentats contre Charlie et régulièrement après chaque attentat. Il s’agit clairement de calmer les foules à coup d’annonces. Ca va marcher de moins en moins s’il n’y a pas de résultat ! Or l’Europe est diverse, notamment sur ces questions d’identité et de fermeture/ouverture.

D’abord il y a le PNR, ce fichier des passagers aériens, centralisé au niveau européen et qui permettrait de retracer les mouvements des personnes volant dans l’Union ou partant/arrivant en Europe, y compris pour les personnes bénéficiant de la libre circulation. Beaucoup d’informations, gardées pendant au moins un an pour permettre des enquêtes. Plusieurs pays sont contre et freinent pour diverses raisons politiques, commerciales ou logistiques. Un tel fichier centralisateur offre beaucoup d’avantage pour police et justice. Franchement, moi qui voyage beaucoup, je suis étonné qu’il n’existe pas déjà, vu la vitesse avec laquelle se dégradent nos libertés individuelles. Il ne s’agit que d’avion, ici. A quand un bracelet obligatoire pour circuler en Europe et des permis de voyage ? La gauche est au pouvoir et c’est elle qui porte cette mesure ? Un autre monde.

Il y a ensuite le contrôle de la circulation des armes à feu. Bon courage, messieurs qui habitez les beaux quartiers. Il y a un arsenal officieux important un peu partout et on n’imagine pas que le trafic soit très gêné, sauf peut-être dans certains pays européens plus actifs dans ce domaine. On cite souvent les Balkans par exemple. Faut-il ériger un mur sous forme de gilets pare balle pour chaque européen ?

Il y a enfin le rétablissement des contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen, pour les citoyens européens qui bénéficient de la libre circulation à l’intérieur de cet espace. Alors que les files d’attente dissociaient les passeports UE (et suisse) des autres, maintenant, elles seront confondues afin de nous contrôler à travers les différents fichiers nationaux et européens existants. Prévoyez des délais allongés aux frontières « extérieures de Schengen ». Comme cette mesure « temporaire » est contraire au code Schengen adopté par l’Union, il faut donc réformer ce code. Un mur à construire tout autour de l’Europe ? Un mur sans trou évidemment, alors même que les trafiquants et autres terroristes bénéficient de soutiens logistiques très efficaces, la preuve ces derniers jours.

Il s’agit de mesures temporaires (hum, hum qui n’a jamais vu de bâtiment préfabriqué toujours utilisé vingt ans après sa supposée date de démontage ?) mais certaines de ces réformes deviendront de facto permanentes de toutes façons, car qui construirait un fichier central complexe seulement pour une courte durée ? En tous cas ces propositions changent l’esprit de la libre circulation européenne.

En plein débat sur les nationalismes montants un peu partout, et pas qu’en France, sur la politique d’accueil des réfugiés demandeurs d’asile contestée par plusieurs pays qui préfèrent avoir leurs murs à eux, de telles mesures vont poser une question clé :

Moins ou plus d’Europe et d’intégration européenne ? Moins répondent les sécuritaires, puisqu’il faut des murs et qu’on n’est jamais si bien servi que par ses propres maçons. Plus répondent les europhiles qui espèrent pouvoir profiter de cette crise pour eu contraire renforcer les liens et développer enfin les outils qui viendront permettre aux instruments actuels d’intégration, comme Schengen, de s’exprimer clairement en finissant la job, comme on dit au Québec. Schengen était au milieu du gué. De quel côté va-t-il aller maintenant. Tout nous amène à penser qu’il va rebrousser chemin. Pour avancer, en effet, il faudrait une volonté politique partagée, des moyens et des outils réellement efficaces.

Nous sommes aujourd’hui dans l’urgence d’une crise. Il faut donc des annonces (pas forcément suivies d’effets d’ailleurs) et il faut aussi préparer l’avenir. L’Europe s’est définie autour de la question des murs. Est-ce son avenir ? J’ose croire que non.  L’Europe comme une grosse boite enfermée dans ses murs et comportant plein de petites boites enfermées dans leurs petits murs nationaux ? On n’appelle pas ça des poupées russes, comme à la grande époque stalinienne ? Décidément les défenseurs de la liberté, et des libertés, ont du souci à se faire. Mais il ne faut pas que nous abandonnions le combat.

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