jeudi 10 mars 2016

Fin d'hiver manifestueux

L'hiver a été chaud au plan météorologique, avec son lot de tempêtes (rares). Sur le plan social il a été froid ou à peine tiédasse. Mais la fin d'hivers et le printemps s'annoncent plus chauds.

La première grande manif d'hier 9 mars a servi de tour de chauffe (entre 200 et 500 mille quand même a priori). Peu de temps pour la préparer du côté des jeunes, grosses divisions entre syndicats réformistes et jusqu'au-boutistes, pluie battante et parapluies partout. La presse minimise l'ampleur des manifestations (par exemple ici), mais le gouvernement s'inquiète à juste titre, car c'est la jeunesse organisée ou pas qui tire les rênes.

Cette première manif sera suivie d'une manif le 17 mars, lancée unilatéralement par les organisations de jeunesse, comme dit le gouvernement, qui les recevra demain. Il y a aussi de prévu les grandes manifestations de la fin du mois, une fois le projet de loi El Khomri sur le travail connu réellement (pour mémoire, on n'en est qu'à l'avant-projet déposé au Conseil d'Etat pour voir ses réactions, pas encore présenté au Conseil des Ministres puisque c'est pour le 24).

D'ici là, quelques lycées s'agitent, une quarantaine à Paris déjà et les AG se multiplient dans les universités. La Sorbonne est encore calme pour le moment, mais cela ne devrait pas trop durer. Assas est calme et droite dans ses bottes (de cheval).  La période est propice à tous les excès et aux mouvement spontanés. On les suivra attentivement ici.


Au-delà des amalgames et des réactions politiques et manipulées comme d'habitude, la partie de poker menteur qui se joue est en fait à cinq joueurs principaux :
  • les entreprises qui veulent en profiter pour assouplir les conditions du marché de l'emploi afin d'en profit(er) pour mieux contrôler les flux en entrée et en sortie de leurs salariés, selon la volonté affichée du patronat.
  • le gouvernement qui veut en profiter pour moderniser le code du travail dans une sorte de mi-chemin entre le passé historique jugé trop rigide et des modèles ultra-libéraux à l'anglaise ou à l'allemande qui privilégient les contrats sans aucune garantie.
  • les partis politiques qui sont contre le gouvernement (ce qui inclut l'aile gauche du PS et plus) et qui cherchent à tirer l'équilibre du projet de loi à hue et à dia (gauche et droite), en pensant aux prochaines élections : vers un projet encore plus libéral après ou au contraire un projet complètement à gauche.
  • les salariés en poste qui veulent garder leurs privilèges (et CDI) et donc les indemnités de départ et autres conditions de licenciement, sans compter les heures de boulot et autres conditions de travail. C'est ce qu'on appelle les "parties prenantes" puisqu'ils sont déjà installés dans le système (et qu'ils cherchent par nature à se protéger des autres - voir la série Trépalium sur Arte, pour un exemple à l'excès).
  • les exclus, qu'ils soient chômeurs, travailleurs très précaires ou jeunes sans boulot autre que des stages peu ou mal payés. Ceux-ci veulent des conditions plus faciles pour l'accès à l'emploi, mais aussi pouvoir y rester dans des conditions correctes, comme les salariés de la catégorie du dessus.
Chaque joueur a des intérêts divergents et le compromis social est effectivement impossible à trouver, sauf dans le cadre d'une négociation, lorsque les parties en présence veulent bien négocier, être assis autour des tables et ne pas changer d'avis à tout moment.

On a donc un terrain propice pour les manifs... en plein état d'urgence jusqu'à fin mai. Ensuite il y aura l'Euro de foot pour se calmer en juin et les vacances...

Alors cette année, on verra bien ce qui se passe. Certains parlent de fin de règne et d'immobilisme inévitable, d'autres se disent qu'il faut y aller, on n'a rien à perdre et tout à gagner à des réformes audacieuses. Certains reconnaissent enfin qu'on a trop parlé de sujets internationaux, sécuritaires et sociaux, et qu'il serait temps de s'occuper du quotidien de eux qui en ont besoin.

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