jeudi 21 avril 2016

2002 + 15 ? En avril, tout ne tient qu'à un fil

21 avril 2002. Jour de sinistre mémoire pour la plupart des démocrates en France. De l'Histoire, aux prévisions en passant par l'anecdote, mon point de vue.

L'Histoire ? Cette année-là, Le premier tour des présidentielles qualifie Chirac et Le Pen père pour le second tour. Grosse surprise anticipée par quasiment personne, sauf quelques experts (mais on trouve toujours un expert qui a raison... après coup). Jospin disparaît du radar politique et avec lui le PS qui s'effondre et commence à se diviser entre des lignes irréconciliables, de la social-démocratie libéro-centriste à la gauche de la gauche qui rêve du grand soir. La droite ne se réjouit pas vraiment car elle est obligée de se droitiser de plus en plus et le comble est atteint 5 ans plus tard avec l'arrivée de Sarkozy au pouvoir, le plus proche des thèses du FN à droite. Chirac sait qu'il va être réélu (plus de 80% des voix dont la mienne) mais choisit de rester campé à droite toute, provoquant ainsi un sentiment d trahison dans tous les camps et légitimant le FN. Le FN est surpris - surtout Jean-Marie qui ne veut pas gouverner - mais devient brutalement légitime, puisque le vote du peuple est ce qui légitime tout, en démocratie.


L'anecdote ? Sur le plan personnel je me souviens de ce dimanche. J'étais à Montréal ce jour-là pour une conférence professionnelle (et non, je n'ai donc pas voté lors de ce premier tour, à ma grande honte). Je me souviens qu'avant la reprise des débats dans la conférence où je me trouvais ce dimanche, je me suis retrouvé avec une demi-douzaine de présidents d'universités françaises dans une chambre d'hôtel, devant TV5 à attendre les résultats (14h heure du Québec). Discussions plaisantes en attendant l'affichage à 20h de Paris. Sourires et discussions entre gens de bonne compagnie, même si leurs opinions politiques couvraient droite et gauche sans problème. Lorsqu'est apparu le visage de Jean-Marie Le Pen, il y a eu un silence glaçant. Pas d'autre mot possible, glaçant. Tous se sont regardés, unis de droite et de gauche contre le FN. Puis un torrent de remarques pas différentes de celles émises certainement dans tous les foyers. Puis chacun est reparti téléphoner à ses "amis politiques". La réunion de l'après-midi a été annulée. J'ai passé le reste de la journée à déambuler dans Montréal, seul et sans but, vidé. Les québécois s'en foutaient (avec raison) ou n'étaient pas encore informés. Mais j'ai eu ce jour-là l'impression que le monde était différent, pendant ces longues heures de marche de ma petite manifestation personnelle dans les rues de Montréal (c'était avant les réseaux sociaux)...

Aaaaaaaaaaargh

Les prévisions ? Alors, 2017 ? Beaucoup de commentateurs évoquent ouvertement la présence de Le Pen la fille au second tour. Pas de surprise attendue (sauf si elle n'y est pas, ce qui montre l'évolution en France). Chacun cherche donc à être l'autre candidat au second tour : à droite le vainqueur des primaires et à gauche soit le vainqueur des primaires soit François, même si la gauche part perdante à ce moment précis de l'Histoire. Dans le scénario d'une droite victorieuse contre le FN, la question sera naturellement celle du type de gouvernement : soit de droite pure comme Chirac et Sarkozy en 2002, soit ouvert à d'autres. C'est un débat d'idéologies qui ne regarde en fait que les législatives qui suivront, pour lesquelles des scores fleuves du FN sont attendus. Il semble qu'il soit politiquement incorrect d'en parler, par peur du grand méchant loup Pen, et pour éviter les n-ièmes attaques contre l'UMPS (devenue LRPS), mais c'est évidemment dans la tête de tous. Le choc de 2017, quel qu'il soit, ne sera pas le même que celui de 2002 arrivé par surprise, par derrière et en dessous de la ceinture (on appelle ça un coup de pied au cul au fait). Cette année c'est un bon moment pour y penser. Et y penser par avance, avant qu'il ne soit trop tard, à quelques jours des élections présidentielles (puis à quelques semaines des législatives). Déposer son bulletin dans une urne est un geste fort (ne pas le déposer aussi d'ailleurs) dans une démocratie, indépendamment du marketing politique...


Le 21 avril restera ce jour triste pour nous en France. Au contraire du 21 avril britannique qui célèbre cette année le 90ème anniversaire de la reine. Comme quoi il n'existe pas de notion absolue du triste ou du joyeux. Tout dépend du contexte.

avril 2004 à Paris (12 ans déjà)



PS : Sinon, pour les vrais amateurs, le 21 avril c'est aussi l'anniversaire de... Spirou et de son journal (en 1938). On en est quand même au numéro 4071...


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