mardi 26 avril 2016

Le temps des atomes n'est pas celui des politiques

30 ans jour pour jour depuis Tchernobyl. Parlons un peu du temps. 

La durée d'abord. Trente ans, ce n'est rien pour des produits radioactifs où on doit raisonner au minimum en siècles. Mais c'est beaucoup pour des humains, entre un tiers et la moitié d'une vie. Dans ce genre d'anniversaire dont presque personne ne veut entendre parler, il y a juste une poussée de mémoire de temps en temps : un an après, cinq, dix, vingt, vingt-cinq, trente, quarante, cinquante, cent, deux cents... Avec une dilatation perceptible du temps sauf pour les plus endurcis, de moins en moins nombreux avec le temps. 

Le moment précis ensuite. 1h23 du matin ce 26 avril, lorsque les réacteurs ont explosé durant un test de résistance (un peu comme les patients qui meurent pendant un test d'effort chez leur médecin RIP Goscinny). Une diffusion immédiate de radiations mortelles et qui a continué pendant des mois. Mais c'est un moment qui n'a été connu que plus tard, au moins une semaine après lorsque les suédois ont mesuré une augmentation de la radioactivité chez eux, puis le 14 mai lorsque Gorbatchev a avoué l'incident. Incident seulement à l'époque. On était encore en pleine URSS avant la chute du mur (et de Gorbatchev). 

Le temps du nuage ensuite. Pisté à travers toute l'Europe par des autorités pas neutres du tout, surtout en France, le nuage s'est étendu vers l'Ouest en épargnant la France grâce au mur idéologique bâti par le gouvernement de l'époque sur nos frontières. Ce voyage à défrayé la chronique depuis. Autres temps autres mœurs. Le gouvernement de cohabitation était dirigé alors par Chirac, composition ici



Le temps personnel. J'étais en voyage à Kiev en juin 1986. A l'époque notre niveau d'information était sous le contrôle du ministre de l'intérieur, un certain Pasqua. Faible, donc. Même les guides russes de l'époque nous poussaient à manger de la salade. Un risque nul "si loin de la centrale"... Et personne n'en parlait. Juste un incident soigneusement encadré par la propagande pasquaïenne soviétique. 

Le temps du sauvetage : bilan contesté pour les morts directes et indirectes. Omerta et glasnost ne font pas bon ménage. Des milliers c'est sûr et des conséquences possibles sur plus de 100 000 habitants. Aujourd'hui la centrale est en Ukraine comme une quinzaine d'autres. Héritage russe. Trente ans après on ajoute une nouvelle chappe protectrice sur le sarcophage qui avait été posé à la hâte et qui n'était prévu que pour quelques dizaines d'années. La nouvelle nous est promise pour cent ans minimum. Une broutille pour l'atome et le temps pour ceux qui auront gagné du fric avec d'être morts tranquillement dans leur lit, loin des radiations. Bouygues entre autres construit ce sarkophage bis, car la France est connue dans le milieu. Elle est le deuxième pays dans les centrales nucléaires après les USA. Statistiques intéressantes ici sur les réacteurs en activité. 

Le temps des politiques ? Il est court. 10 ans au maximum pour être gentil. Incompatible avec les décisions courageuses. Alors que François lance ce lundi sa "dernière" conférence sur l'environnement et que les écolos se déchirent entre eux, il y a des débats que tout le monde cherche à étouffer. Le bilan carbone du nucléaire est meilleur que celui du charbon, du gaz ou du pétrole. Mais le bilan radiations ne fait pas partie de la COP21 signée déjà par 175 pays. 

Bilan ? A vous de le faire. Lisez les témoignages des survivants, directs et indirects, par exemple ici ou ici. Et pensons aux autres accidents comme Fukushima et comme ceux qui arriveront inévitablement. Sans compter les conséquences pour nous, nos enfants ou petits enfants. 

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