mardi 10 mai 2016

#BaupinLeaks, l'Affaire qui embête les hommes politiques

Oui, oui, je sais, ce titre est un peu osé, mais c'est de l'humour, pas du harcèlement ou du dénigrement, ni même de la diffamation puisque ce sujet est sur la place publique depuis hier (malgré le dépôt de plainte pour diffamation ce matin). L'affaire Denis Baupin qui a éclaté lundi suite à l'article (payant) de Mediapart jette la lumière sur plusieurs phénomènes importants. Commentaires ci-dessous :

L'affaire Baupin est emblématique car elle touche un vice-président de l'Assemblée nationale, co-fondateur historique du parti baba des Verts, et époux d'une ministre, Emmanuelle Cosse, par ailleurs ex-présidente de ce parti, jugé anti-gouvernemental par son mari. On imagine les discussions au sein du couple, surtout qu'elle a reconnu n'avoir jamais été informée dans ses fonctions de présidente et qu'elle réclame que la justice s'en même, alors même qu'il y a prescription... On compare cette histoire à l'affaire DSK qui avait défrayé la chronique en 2011 et qui avait permis par défaut à François de gagner la primaire socialiste. Il est vrai que les "hauts" responsables politiques ont plus de responsabilité que les autres, dans le modèle de comportement qu'ils propagent. On attend la réaction de Marine Le Pen incessamment.

Le harcèlement sexuel se pratique bel et bien. Même si les délais de prescription sont courts (trois ans pour harcèlement sexuel ou agression sexuelle et dix ans pour viol), trop courts pour la plupart des victimes qui mettent du temps avant de pouvoir porter plainte, il y a quelques affaires qui apparaissent de temps en temps, quelques exemples ici sur Le Parisien, avec en prime une définition légale de ces comportements illégaux (et immoraux). On en parle en général et puis on passe à autre chose, dans une logique médiatique habituelle de cavalerie. Que se passera-t-il cette fois-ci ? Il n'y aura du changement dans les têtes et les queues que si un nombre important de victimes se manifestent (des femmes principalement évidemment, mais certainement pas uniquement). A ce titre, l'appel lancé sur Libé par le collectif "levons l'omerta" ce matin est un pas important.

On parle ici de comportements dans le domaine politique, entre élus pour simplifier quoique cela touche d'autres personnes travaillant dans ce milieu. Le mot d'omerta est d'ailleurs intéressant. Car c'est un mot venu de la Mafia et du silence imposé pour cacher des crimes, tout comportement contraire à l'omerta ayant deux conséquences : perdre l'honneur et/ou la vie. On entend souvent des phrases "d'excuse" pour les harcèlements sexuels du type "il n'y a pas mort d'homme"... (ou de femme le plus souvent). Un exemple ? ou un autre ? Mais on parle aussi dans le milieu politique de pouvoir, de domination, de mort politique et de sens du devoir, ce qui est une forme d'honneur revissée à la sauce parti de gouvernement. Comme le disait ce matin Charline Vanhoenacker sur France Inter "On dit souvent de nos hommes politiques que le pouvoir leur monte à la tête, parfois le pouvoir s'arrête à mi-chemin, au niveau de la ceinture"...

On ne parle pas des autres domaines où les harcèlements se produisent, dans les entreprises, les universités, les hôpitaux par exemple, ou de manière générale tous les milieux où le pouvoir donne des ailes.  Soyons clairs, la quasi totalité des cas de harcèlement se produit à l'initiative d'un homme contre une femme, même si d'autres cas existent. Dans des milieux historiquement très machos, comme la politique, c'est évidemment un problème. Pourquoi faudrait-il abandonner sa féminité pour travailler dans ces milieux ? Il est fascinant, pour un homme qui ne harcèle pas (il y en a), de discuter de ce sujet avec une collègue femme : les frontières se rétablissent vite, les clichés apparaissent rapidement : au-delà de l'omerta assumée, il y a le mépris pour les femmes qui aguichent (forcément) ou celles qui ne sont pas assez fortes (ou trop connes) pour résister. Avec un collègue masculin, il est encore aujourd'hui difficile d'échapper à des plaisanteries graveleuses qui viennent immédiatement à la bouche.  Et quant à la définition du harcèlement, elle reste très largement méconnue, voir inconnue.

Certains parlent d'ajouter à la loi travail des amendements pour punir plus le harcèlement sexuel (dans le monde du travail, mais la politique est un milieu concerné parmi d'autres), allonger les délais de prescription ou prendre d'autres mesures. Il est vraisemblablement trop tard pour cette loi qui se dirige tout droit vers le 49-3 faute de majorité, donc sans amendements de dernière minute. Le soufflé risque de retomber rapidement, sauf miracle, et de toutes façons les hommes politiques qui contrôlent la situation traînent des pieds depuis des années. Ce n'est pas à quelques mois de l'entrée en campagne électorale qu'ils vont se dépêcher.

Les journalistes font un travail nécessaire, au risque de se brûler les ailes et de voir se fermer les portes de certaines de leurs "sources". Les journalistes politiques ont donc des problèmes au même titre que ceux (ou celles) qui travaillent dans des domaines masculinisés à fond, comme le sport. Les allusions fines et plus ou moins cryptées sont légions, mais seuls les initiés les reconnaissent pour ce qu'elles sont. Il y a même un certain plaisir à connaître des secrets et à ne pas les dévoiler dans ces milieux. On entend souvent la phrase "tout le monde le sait dans le milieu" alors même que rien n'est divulgué à l'extérieur. Comme si le plaisir d'être proche du pouvoir et d'en connaître les ficelles donnait le droit de s'auto-censurer. Un vaste sujet... pour écoles de journalistes.

Un mot quand même de l'humour en ce domaine. Regardez la séquence officielle d'adieu à Yann Barthes par Catherine et Liliane dans le Petit Journal d'hier. Un beau cas de harcèlement d'un homme par deux femmes hommes déguisés en femmes, non ? (Parenthèse pour dire qu'il y a bien peu de femmes au Petit Journal d'ailleurs, en tous cas devant la caméra). L'humour est nécessaire. En toutes choses et sans limites... à partir du moment où il n'est pas la seule manière d'agir...

PS Je vous signale ce blog en dessins, intéressant à lire, avec ce billet d'aujourd'hui, mais lisez les autres aussi ;) sur les femmes remarquables. J'aime la dernière vignette du billet sur Cheryl Bridges...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire