jeudi 19 mai 2016

Tempus fugit, sed fluctuat. Mergitur ?


Quai de Valmy ("La Patrie est en danger")

Quelques réflexions sur le temps aujourd'hui.
Dans toutes ses dimensions.
Y compris un peu plus personnelles que d'habitude.

Le temps qu'il fait est pourri, aujourd'hui à Paris. Mais ce n'est ni une nouvelle ni une absence de nouvelle. Ce sont les deux à la fois suivant le point de vue où l'on se place : si l'on est à Cannes sous le soleil, on s'en fout et si l'on est coincé sur un quai de gare de RER en attendant Godot son train en grève, c'est autre chose. Le temps météorologique rejoint alors le temps d'attente, aussi sûrement que la pluie froide pénètre entre les yeux et les lunettes ou dans le cou juste là où ça fait frissonner.

Pour les physiciens le temps est une autre dimension, en plus des trois premières que nous attrapons à bras le corps quotidiennement quand nous nous déplaçons. Une dimension différente des autres mais pas tant que cela. Le Graal du voyage dans le temps est toujours un sujet de passion chez les scientifiques. Nous vivons dans un temps quantique, où l'on ne sait pas forcément où et quand est quelque chose. Le fameux chat de Schrödinger est là pour nous le rappeler, même si c'est à l'échelle des atomes et des ondes. Nous sommes tous des chats de Schrödinger !

Pour le temps social, on est clairement entre deux, comme l'illustre la photo en tête de ce billet : il y a une grande distance spatio-temporelle entre le temps des attentats et de la communion nationale pour se serrer les coudes, policiers compris, et le temps de la haine anti-flic comme on lit en ce moment dans les tweets engagés sous l'impulsion des fouteurs de bordel qui cherchent à détruire. La distance spatio-temporelle est ici uniquement temporelle, puisque l'un recouvre exactement l'autre dans l'espace. Le temps est comme suspendu dans les conflits prévus de longue date en mai et en juin en attendant plusieurs dates pour des décisions clés, sur la loi travail, les négociations de branche dans le ferroviaire et autres sujets plus anecdotiques pour clore ce mandat de François avant l'été.

Il y a le temps de l'attente, entre deux informations. Qu'on y attache ou non de l'importance d'ailleurs. Comme cet accident d'avion Egyptair, quelque part au-dessus de la Méditerranée. On a beau ne pas savoir quelque chose (au moment où j'écris) on pense immédiatement à ce qui a pu se passer (les fameuses hypothèses possibles) et finalement on attend de savoir. C'est un temps paradoxal, un temps qu'on oublie vite une fois l'attente "satisfaite". Un temps qui s'écoule au rythme des infos glanées ici et là, mais qui reste présent dans les yeux, entre fatalisme, espoir et colère. Une sorte de temps de pré-deuil, de gravité, au cas où.

Et puis, il y a le temps personnel. Ce temps qui nous est propre à chacun en fonction de notre histoire, de notre présent et de notre avenir. Ces moments où l'on sent un peu plus le poids du temps et de la direction qu'il prend, toujours vers l'avenir, sans retour ni souhaité ni possible vers le passé.  Il y a des moments où plusieurs temps se croisent et se décroisent, avec des vitesses différentes, comme si on était à la surface tourbillonnante d'une eau agitée dans un verre : à moitié plein ? A moitié vide ? Ou les deux à la fois dans un équilibre stable et solide ? C'est bien la conscience du temps et de notre place dedans qui compte alors. Ce temps influe sur notre humeur mais notre humeur aussi influe sur le temps, en le distendant ou en le contractant, surtout quand les autres dimensions du temps sont également présentes au même moment. Quand on flotte, soit on nage et on devient un roc solide auquel les autres peuvent s'accrocher, soit on se laisse emporter dans le tourbillon de l'eau (qui descend tel un maelström ou qui monte tel une trombe d'eau) ou dans le tourbillon de la vie.



Je prendrai juste un exemple, de quelqu'un que je crois connaître assez bien, c'est-à-dire moi. C'est un temps bizarre aujourd'hui : j'ai deux très proches malades et je suis donc en attente de nouvelles sur leur santé; ce serait aujourd'hui l'anniversaire de celle qui fut ma femme aimée avant de mourir d'un cancer;  c'est un moment où mon avenir professionnel se joue... et c'est juste au moment où le temps se rétrécissait pour moi, sous la pluie sur un trottoir d'un Paris qui mergitur plus qu'il ne fluctuat que je reçois un simple SMS de la femme que j'aime et qui m'écrit "Je t'aime ce matin". Rien de plus, rien de moins. Un instant de bonheur, portant en lui la promesse de millions d'autres, comme un signal à la surface de l'eau qui tombe. Pour rester dans le latin : "Carpe Diem" ! Résolument, et Carpe tous les autres jours aussi, car ce sont les seuls qui comptent. Les jours à venir, cette partie du temps qui est devant nous. Car elle porte en elle, non seulement toutes les joies de l'avenir mais aussi tous les souvenirs du passé, dans une fusion délicate et gracile.

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