dimanche 21 août 2016

Du temps de cerveau pour... Une nouvelle cont(r)ée

Il était une fois, dans le royaume de Plgn, un petit ooyoieau qui adorait lire, ce qui n'était pas facile car il n'y avait pas de livre dans le royaume, juste des stèles vaguement gravées à la main. En plus, il était très petit même pour un ooyoieau et les stèles étaient bien lourdes. 

C'est un peuple bizarre que les ooyoieau. Il faut dire qu'il pleut presque tout le temps en Plgn (prononcer Plgn). Alors les habitants se sont transformés avec les siècles. Leurs poils ont poussé jusqu'à recouvrir tout leur corps et celui-ci a rétréci comme au lavage, sans que leur taille globale ne se réduise. Tout se passe avec eux comme si les poils avaient remplacé progressivement leur corps. A l'âge adulte, le corps d'un ooyoieau mâle ne mesure que trente centimètres de diamètre alors qu'avec les poils ils atteignent souvent jusqu'à un mètre de diamètre et parfois deux. Notre petit ooyoieau ne mesurait que dix centimètres de diamètre sans poils et trente avec. Il n'était pas encore adulte mais il savait qu'il ne grandirait guère plus. 

Il fallait donc qu'il trouve une solution pour lire. Cela devenait vital pour lui. Heureusement il était ingénieux et ramena la question à plusieurs problèmes :
1 - il fallait du contenu (à lire) donc des auteurs
2 - il fallait un système pour écrire ces contenus et pas seulement les dessiner Car sunonc'étaig trop limité
3 - il fallait des endroits pour écrire tout ça, plus légers et maniables que les stèles Et qui ne risquaient pas d'abîmer les poils des ooyoieau
4 - et enfin, puisque notre petit ooyoieau était gentil, il fallait trouver un moyen pour que les autres ooyoieau puissent lire aussi. Ce n'était pas seulement de la gentillesse bien sûr, mais un aspect pratique : plus il y aurait de lecteurs, plus il y aurait d'auteurs et donc de contenus, à lire par lui. 

Aeiouy, notre héros, s'attaqua à chacun des problèmes avec précision. En quelques mois, il eut (presque) tout résolu. 

Pour le contenu et les auteurs, il s'inspirerait des contes dits chaque soir par les anciens. Le problème serait résolu dès qu'il trouverait une solution au problème numéro 2 qui permette de retranscrire tous les sons de leur langage, doux pour les ooyoieau et durs pour tout le reste. 

Pour les endroits où écrire, il pensa tout de suite aux peaux de mrcssns. Leur forme allongée était parfaite, et pourrait accueillir beaucoup de contenu si son système d'écriture du problème numéro 2 était assez compact. 

Pour la diffusion à d'autres ooyoieau, il suffisait d'utiliser le plmb (prononcer plmb). Son père faisait plein de jolies sculptures en plmb, un métal malléable mais dur, et Aeiouy avait remarqué qu'en appuyant les plus petites d'entre elles sur des peaux de mrcssns, cela faisait de jolis dessins. Aeiouy avait même bricolé une sorte de presse pour aligner d'un coup plein de dessins. Il attachait les sculptures avec des poils pour les maintenir en place - au moins les poils ne manquaient pas ici ! Il se disait qu'il serait facile de remplir les peaux avec des lignes de dessins issus du système du problème numéro 2 si ceux-ci étaient assez peu nombreux. 

La question était donc résolue, à un détail près. Aeiouy n'avait aucune idée pour un système d'écriture résolvant le problème numéro 2. 

Il resta coincé longtemps à cette étape. Ses parents s'attristaient de voir l'impasse dans laquelle Aeiouy s'était enfermé. Il décidèrent alors, pour lui changer les idées de lui offrir un bhrckdjgqflmnpzstwvx. Un bel animal, très rare et très versatile qui représentait symboliquement tous les autres animaux du royaume : il volait, nageait, courait, dansait, chantait. Et son nom était comme son cri, long et rauque. 

Aeiouy fut un peu surpris par ce cadeau. Il comprit tout de suite l'intention de ses parents mais se laissa aller à jouer un peu avec l'animal. Son cri le fascinait. 

En se levant un matin, quelques jours après son cadeau, Aeiouy comprit soudain pourquoi ce cri était si fascinant : il comprenait tous les sons "durs" de leur langage, comme si leur langage avait été créé à partir de ce cri primal du bhrckdjgqflmnpzstwvx. Il réalisa en même temps que son nom à lui contenait tous les sons "doux" possibles. 

Notre petit ooyoieau ne traîna pas. En une semaine, il inventa 26 petits dessins pour représenter ces sons et demanda à son père d'en fabriquer une centaine de chaque en plmb. Puis il fabriqua un grand casier où les ranger. Il choisit un ordre au hasard pour les sons durs afin de ne pas dévoiler l'origine de son invention et garda les sons doux dans l'ordre de son nom, comme une sorte de signature. 

Puis il passa à la phase de production : écouter un conteur, noter les sons, placer les sculptures de plmb dans la presse et imprimer la peau de mrcssn avec. Les premiers essais furent ratés bien sûr, mais il fut très fier de son septième. 

Il eut un gros succès le lendemain lorsqu'il relut, son pour son, le texte du conteur de la semaine d'avant, que tout le monde avait trouvé très beau mais dont les souvenirs étaient confus et divergents. Tout le monde voulut savoir comment il avait fait. 

À partir de ce moment, Aeiouy fut célèbre et l'essor de la lecture (et de l'écriture) ne connut plus de limite. 

Aeiouy était très fier de sa découverte. Il la savait parfaite. Et puis... 

Et puis un jour son bhrckdjgqflmnpzstwvx mourut. Juste à côté de lui. Personne n'avait jamais entendu le cri de mort d'un bhrckdjgqflmnpzstwvx auparavant. Il était horrible. Aeiouy eut du mal à s'en remettre. Un cri si affreux... 
En hommage à son animal favori, Aeiouy composa un texte racontant son rôle dans l'invention de l'écriture. Mais quand il voulut écrire son cri de mort, il fut bien embêté. Il n'y avait pas assez de sculptures disponibles. 

Alors Aeiouy eut une deuxième idée géniale. Il décida de mélanger des sons durs et des sons doux dans le même mot. Il imprima son texte et regarda le résultat. C'était un beau texte. Mais le cri final était hideux à voir et imprononçable pour un ooyeau. Quelque chose comme "couic". Aeiouy eut un frisson. Non, c'était impossible, décidément. Il déchira la peau de mrcssn et la brûla. Une idée géniale, vraiment ? Brrrrrrrr. Une idée débile plutôt. 

A un poil près, il venait d'éviter une catastrophe. Imaginez ! Imaginez un monde où on mélangerait les sons doux et les sons durs, les beaux êtres poilus que sont les ooyoieau et les choses... Jamais ! Ce serait une décadence terrible. Cela ne se produirait pas ! En tous, jamais au royaume de Plgn et tant que les ooyoieau auraient des poils !!! Peut-être qu'un conteur essayerait un jour une telle combinaison avant de se faire lyncher, mais Aeiouy refuserait de l'imprimer.

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