jeudi 12 janvier 2017

Le Roi et la Fronde, une histoire de constitution

Je ne vais pas vous parler aujourd'hui de la grande Fronde sous Louis XIV ni de Thierry la Fronde, notre robin des bois national quelque trois siècles auparavant (ou après si on parle de la télé). Quoique le rapport soit certain.

Le mot frondeur est devenu très populaire dans le paysage politique français. Il y en a partout. Au début, on pouvait croire qu'il n'y en avait qu'au PS, et certains sont officiellement candidats à la primaire, on pourra d'ailleurs assister ce soir au premier débat entre prétendants. On les a vus apparaître au Front national avec les débats internes à la famille The Plume (in english), y compris avec son patriarche. Depuis la victoire de Fillon à sa primaire, il y en a aussi à droite, avec des sarkozistes entre autres, même si Fillon va essayer de serrer les boulons pour les législatives qui suivent. Dans le cas d'un Mélenchon ou d'un Macron (mon correcteur orthographique n'arrête pas de me parler de macaron), qui n'ont pas de parti établi avec plein d'élus derrière, la situation est seulement potentielle, car si l'un d'entre eux devait être élu, il aurait à gérer un Parlement mosaïque et qui ne serait pas derrière lui comme un seul homme.

L'équilibre des pouvoirs en France est fragile, même en mettant de côté le pouvoir des médias, lui même attaqué par le rôle des réseaux sociaux. L'équilibre trouvé est délicat entre exécutif (le président d'une part, le gouvernement d'autre part) et législatif (les deux chambres du Parlement) et même judiciaire (des grands Conseils à la justice quotidienne). Cet équilibre suppose une certaine homogénéité dans les lignes politiques.

Politique fiction : prenons un cas possible en 2017, un président élu (ou une présidente élue) et ensuite une majorité présidentielle pas homogène derrière, sans cohérence absolue avec la ligne sur laquelle la présidentielle s'est jouée. Il y a plusieurs possibilités évidemment mais le résultat final est le même : un même parti mais avec des signes de dissension interne de type frondeurs, un ensemble d'élus qui se recombinant à chaque fois sur les grands votes, une majorité clairement différente...

Dans ce cas, à quoi sert le président, à part couper des cordons et en décerner d'autres à des méritants de tous bords ? Il peut décider, dans la limite de la constitution, de gouverner par ordonnances et autres 49-3, ou il peut se contenter de cohabiter comme à la grande époque d'avant le quinquennat, ou il peut gouverner à coups de référendums, contre la classe politique. Il peut aussi vouloir changer la Constitution, mais ce sera alors par référendum puisque le Parlement lui est opposé dans ce scénario.

Notre situation en 2017 interroge donc forcément sur la réforme de la Constitution. Une constitution qui a été pensée dans une logique duale d'affrontement binaire et qui n'est plus adaptée à notre époque. Comment juger alors des candidats à la présidence (ou aux primaires) ? Le seul vrai critère n'est pas tel aspect économique ou social, mais celui du pouvoir et de la manière d'y associer le peuple plus étroitement. Le reste est affaire de négociations détaillées au cas par cas, puisque ceux qui affirment des grands principes aujourd'hui reviennent déjà dessus, il n'y a qu'à voir le cas piteux d'un Fillon obligé d'avouer qu'il va changer d'avis sur la Sécu, sinon les retraites ne voteront pas pour lui. Evidemment, au lieu de parler de cela, il est plus facile de se concentrer sur telle ou telle mesure, voire même mesurette, ou de se focaliser sur les personnalités (des sourcils à la jeunesse en passant par la grogne). De ce côté notre François, bientôt ex-président n'a pas réussi à prouver qu'on pouvait imposer une ligne, naviguant à vue entre des promesses, des réalités parlementaires et des réformes de société tout sauf constitutionnelles.

En France, les rois sont élus. Mais pour qu'ils servent encore à quelque chose, contrairement au niveau symbolique où se placent les vraies monarchies résiduelles des empires passés, encore faut-il qu'ils sachent gérer leurs relations avec les élus et avec le peuple. Et pour cela, il me semble plus prudent de faire confiance à la jeunesse, parce qu'elle est décapante. Les vieux barons usés joueront leur partition, comme ici (mais en beaucoup, beaucoup plus vieux...)



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