lundi 17 juin 2013

Philo

Les sujets de philo au Bac cette année sont (hors textes à expliquer) :


Série scientifique :
Peut-on agir moralement sans s'intéresser à la politique ?
Le travail permet-il de prendre conscience de soi ?
Série littéraire :
Le langage n'est-il qu'un outil ?
La science se limite-t-elle à constater les faits ?
Séries économique et sociale :
Que devons-nous à l'Etat ?
Interprète-t-on à défaut de connaître ?

En voici un corrigé très approximatif, global et hors sujet, par sympathie pour les bacheliers :

En France, l'Etat occupe une position de choix. L'appareil de l'Etat est peuplé de serviteurs, grands et petits, recrutés grâce à des concours très différents, tous placés au-dessus du niveau du Baccalauréat. La réussite à une épreuve, comme celle-ci est donc l'une des premières actions que tout serviteur doit accomplir pour entrer au service de son maître. Certains de ces serviteurs sont passés par des écoles spéciales, ou normales mais supérieures, et doivent dix ans de leur vie à l'Etat. Voici une servitude exemplaire et qui leur permet de prendre conscience d'eux-mêmes : où suis-je, où cours-je, dans quel Etat j'erre, évidemment. Pour cette partie de la population, le verbe devoir a un sens premier qui est d'ordre moral. Pour les autres, ceux qui ne travaillent pas directement pour l'Etat, leur travail, quand ils en ont, leur fait petit à petit prendre conscience qu'ils travaillent en fait et en partie pour l'Etat. Même si en retour, l'Etat leur doit un certain nombre de services, la charge qui pèse sur les épaules des citoyens est en général mal tolérée. L'impôt, sous toutes ses formes, semble être un dû que l'Etat encaisse pour gérer la croissance du pays ainsi que sa propre croissance. L'Etat justifie cet acte par l'utilité de son existence même pour sécuriser le peuple. Encore faut-il qu'il soit à la hauteur.

L'Etat est un être à multiples facettes, qui comprend plusieurs Corps (grands) et dont les lois fondamentales sont définies par le peuple et par les hommes et les femmes politiques. La morale, au sens global du terme, ne peut être présente dans l'Etat qui se doit de fonctionner suivant des règles élaborées par couches, comme une lasagne préparée par des cuisiniers très différents et qui ne s'échangent pas leurs recettes. L'Etat a donc une morale à lui. Morale composite que seuls les experts en politique peuvent comprendre. Le citoyen lambda, ou même oméga, a du mal à connaître ces règles morales et donc à les appliquer. En cherchant à appliquer sa propre morale, il ne peut qu'entrer en conflit avec l'Etat, comme le disait les Grecs et Kant. Cette morale d'Etat, immorale dans beaucoup d'affaires qui doivent rester obscures, entre ainsi de plein fouet en conflit avec les éthiques personnelles, avec les morales professionnelles de certains secteurs, notamment scientifiques, qui ont souvent tendance à créer leurs propres valeurs morales, de pair à pair, dans un mépris souverain de l'Etat.

L'homme a inventé la science politique pour étudier l'Etat, comme si cette étude était possible du dedans, alors que la plupart des scientifiques qui conduisent ces recherches sont des fonctionnaires, donc des serviteurs de l'Etat. Les scientifiques, ou les universitaires, se réclament d'une indépendance intellectuelle et réelle pour faire avancer la science au-delà des constats, des analyses et des synthèses. Passer du rôle d'observateur, je dirais même plus d'huissier de la science constatant les dégâts, à celui de scientifique qui entire des leçons et des théories, jamais validées et toujours en suspens jusqu'à ce qu'une autre apparaisse, est un exercice délicat et très inconfortable, comme le disait Popper. Quitter le monde du dur, du physique, des cinq sens, pour investir celui du cerveau et des inductions est un exercice réservé aux braves. Aux honnêtes aussi, d'ailleurs. Car savoir se remettre soi-même en cause est l'une des principales qualités exigées par la Science.

La Science oblige à interpréter la réalité, à la tordre. Par rapport à la politique, la différence principale est dans la morale qui guide cette interprétation. L'intention est différente. Le résultat, par contre, peut être le même quelle que soit la méthode prise. Politique et science se mêlent de plus en plus et occupent de plus en plus de temps, suivant le principe bien connu d'Archimède : 'Tout scientifique plongé dans la politique, reçoit une poussée vers le haut dans sa carrière proportionnelle à la taille de son réseau d'amis". On a vu des scientifiques interpréter à tort ce qu'ils observaient. On en a vu d'autres remplacer une connaissance pointue par une présentation vulgarisatrice amalgamant des concepts très différents (comme cette tentative non aboutie de dissertation). Et ce phénomène est encore plus répandu dans le monde des non-scientifiques. L'interprétation de ce qu'on a lu dans un média quelconque est partout présente, ainsi que la déformation de ce qu'on a écouté d'une autre personne qui elle-même amplifiait ce qu'elle croyait avoir entendu d'une personne qu'elle ne connaissait pas sur un sujet inconnu la veille. La lecture de blogs censés avoir raison sur tout et sur-interprétant ce que d'autres ont déjà écrit est l'un des maux de ce siècle. Qui connait quoi aujourd'hui ? Qui se connait lui-même suffisamment pour franchir la porte du Lycée ?

C'est pour cela que la plupart des scientifiques publient des articles dans des revues anglophones de renommée internationale. La langue qu'ils y utilisent est une langue bâtarde, rarement leur langue maternelle, encore plus rarement bien écrite et incapable de véhiculer les valeurs qu'ils défendent. La sécurité apportée par ce type de publication est immense. Elle conforte la carrière des auteurs dans leurs rôles de serviteurs de l'Etat et de la Science, tout en les protégeant de toute lecture critique par des citoyens qui ont des valeurs. A force de n'être lu que par ses pairs, formatés pareils, on en oublierait presque le nécessaire regard critique des autres, ceux pour qui l'on progresse. Le langage est donc bien un outil au service d'intérêts immédiats, de carrière et d'opportunité. C'est un moyen pour aller vite, sans le recul qui permet le partage. Le faux partage induit par une langue universelle ne permet de mettre en contact que les épidermes des hommes et des femmes. Pas leurs valeurs. Le langage pourrait être autre chose, d'une valeur supérieure. Le langage pourrait être un nid dans lequel les personnes viendraient chercher refuge pour bâtir ensemble un système cohérent. Il vaudrait mieux ne pas appeler ce système l'Etat. Ce mot capital est trop connoté depuis l'époque de la royauté française.

Le lycéen qui devient bachelier entre de plain pied dans l'enseignement supérieur. En quittant l'enseignement inférieur et les mensonges pour enfants qu'on y apprend, il pourra enfin appliquer avec philosophie des principes simples et moraux. Le Pôle emploi, structure de l'Etat calculée scientifiquement pourra le désorienter vers des voies royales ou républicaines. Pourvu qu'il ne fasse pas de politique mais se contente d'avoir de la morale ! 

Et de le dire, voire de le crier, dans son langage à lui.



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