dimanche 29 septembre 2013

Du temps de cerveau pour... la Sagrada Familia

Barcelone, Gaudi, La Sagrada Familia, tout le monde connait.

Gaudi n'a vécu que presque 74 ans mais son oeuvre a marqué plusieurs Histoires : celle de Catalogne, de Barcelone, de l'art nouveau, de l'architecture et du surréalisme naissant.

La Sagrada Familia en est le symbole le plus visible, bien que Gaudi n'ait pas été l'architecte du premier projet, c'est lui qui a créé le plan très ambitieux de l'église actuelle. C'est le monument le plus visité d'Espagne et comme les travaux de construction ne peuvent être financés que par les aumônes, il est important d'aller la visiter, même une seule fois. Les tickets d'entrée sont en fait des aumônes. Ce mode de financement est lié à son statut de temple expiatoire. Après la mort de Gaudi, renversé par un tramway à Barcelone, Salvador Dali a même proposé que la basilique continue à être construite, à titre expiatoire, par tous les conducteurs de tramways. Ce monument est en effet un temple expiatoire et une basilique "mineure" comme disent les catholiques romains. Pas une cathédrale ou une basilique majeure. Et encore, cette basilique n'a été consacrée par le Pape d'avant qu'il y a trois ans !

Les plans originaux de Gaudi ont été détruits, avec ses maquettes détaillées. Mais il en est resté suffisamment pour que les architectes qui l'ont suivi aient réussi à continuer la construction. Les cathédrales ne se sont pas construites en un jour, ni il y a mille ans, ni maintenant.

Barcelone poursuit le projet ambitieux de terminer la construction en 2026, dans 13 ans, l'année du centenaire de la mort de Gaudi. On a pu voir cette semaine une superbe animation de la Sagrada Familia quand elle sera terminée. La voici :


Tous les grands monuments déclenchent des passions.

Passion des anciens contre les modernes. Le style radical inventé par Gaudi pour la construction en 1882 marque une rupture avec l'art ambiant. C'est une époque importante dans l'histoire de l'art et encore plus dans l'histoire d'une région, d'un pays qui souhaite s'élever, loin des sentiers battus et rebattus par les nombreux traditionalistes dans cette Espagne figée de la fin du XIX° siècle. Evidemment les nouvelles techniques permettaient à cette époque des exploits extraordinaires et jamais vu, comme la Tour Eiffel et les courbes hyperboliques de cette église.

Passion des urbanistes contre les architectes, car le temple a été construit au milieu de rien au début, mais il a été vite rattrapé par l'extension de la ville, la capitale de la Catalogne et une des plus grandes d'Espagne maintenant. Certaines cathédrales sont coincées entre les immeubles avec juste quelques mètres pour les regarder, Strasbourg par exemple. Gaudi a bien essayé de proposer des solutions pour préserver des espaces autour de son chef d'oeuvre, mais les urbanistes ont été les plus forts et les points de vue sur la basilique sont aujourd'hui très partiels. Le débat est permanent sur ces questions. Souvenez-vous des critiques contre le centre Pompidou à Paris, choquant ou beau suivant les points de vue, mais tellement impossible à regarder dans son ensemble, enserré qu'il est entre des immeubles parisiens standards. Dans ce genre de cas, le parvis est important, car c'est souvent le seul point de visibilité de la façade. Toutes les églises ne peuvent avoir la chance de Notre-Dame de Paris qui est largement visible de 3 côtés.

Passion des impatients et des patients. Plusieurs générations se sont succédées depuis les premiers travaux. Les styles ont changé, les modes, les traditions, les habitudes. Chacun a l'impression que l'état où il voit l'église est son état normal, sans être forcément capable d'en voir l'évolution. Tous les historiens des monuments qui ont été construits sur une longue période savent vous expliquer en détail la succession des couches dans la construction. Ce type de monument est un mille-feuilles, ou plutôt, dans le cas de la Sagrada Familia, une forêt de flèches plantées à des moments différents. A Paris, Notre-Dame a commencé comme une église romane avant de devenir gothique et on en voit la trace sur les piliers. Les historiens de Barcelone sauront décomposer cette église en couches. L'article de Wikipedia (premier lien de cet article) est très éclairant à ce sujet.

L'abside, au tout début.

Finalement, en voyant ce petit film, j'ai eu envie de revenir à Barcelone et de la voir encore cette famille sacrée, où chacun fait la course vers le Ciel pour en être le plus près. C'est Jésus qui gagnera en 2026, c'est certain, mais la course est engagée, à la vitesse de la pierre et du béton. Aujourd'hui, les quatre grandes flèches isolées qui marquent cette église depuis longtemps, marquent à mon avis encore plus la présence invisible des autres flèches à venir, qui les dépasseront. L'absence et le vide sont parfois plus forts que la présence explicite. Alors, oui, je voudrais aller la revoir pleine de ce vide, avant qu'elle devienne pleine complètement, opaque et moins arachnéenne.

Pas vous ?

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