samedi 28 septembre 2013

Sursis ou pas ?

Les hommes politiques et les diplomates préfèrent en général le sursis.

Quand ils sont au pouvoir, ils disent vouloir agir vite, mais confrontés aux réalités de leur pouvoir et à celui de l'opposition, ils ralentissent le rythme, en essayant de ne surtout pas perdre la face. Face aux risques liée à une perte, rarement effacée des mémoires, ou au faible gain d'une victoire vite oubliée par d'autres actualités, l'intérêt du sursis et des délais c'est qu'on a le temps d'oublier de quoi on parle, tout en continuant à en parler. Et les hommes politiques adorent qu'on parle d'eux. Comme la politique n'est pas un jeu où tout le monde gagne et où la coopération est encouragée, le sursis est souvent la meilleure manière pour eux de gérer des crises, puisqu'à un moment il faudra soit y aller le dos au mur, soit faire oublier tout ça, avec cynisme, ou plutôt ce qu'ils appellent le choc de la réalité. Prenons quelques exemples dans l'actualité.

L'ONU vient de voter sa première résolution sur la crise Syrienne. Cette résolution condamne de manière générale l'usage des armes chimiques, demande à la Syrie de les détruire toutes dans un délai d'un an. Elle ne prévoit aucune sanction, mais permet juste de voter une autre résolution si celle-ci n'est pas suivie. Cette résolution interdit également à toute nation étrangère de s'immiscer dans la politique syrienne et d'aider les rebelles y compris de manière politique. Elle ne mentionne aucune culpabilité.

La première réaction de la "communauté internationale" a été de se féliciter. La deuxième est plus prudente. Pourquoi ? A première vue, cet accord permet à cette communauté internationale de se saisir pour la première fois du dossier syrien, de ne pas perdre la face par rapport à des accusations d'inertie et de faiblesse, de montrer une unanimité du Conseil de sécurité. En regardant plus attentivement, on remarquera que le pouvoir en place en Syrie est très, mais alors très, satisfait de la résolution qui interdit toute action contraire à lui pendant un an et qui lui libère donc les mains pour continuer sa guerre civile pendant cette période, sans utiliser d'arme chimique évidemment. Cependant, et malgré le fait que l'arsenal chimique syrien soit jugé un des plus importants au monde, sinon le plus, une grande partie de cet arsenal est en mauvais état et inutilisable. Ce nettoyage obligé, et vraisemblablement payé par la communauté internationale, va donc permettre de purger la Syrie de systèmes dont elle n'a plus besoin. Quand aux conditions de déclenchement d'une autre résolution, les russes ont indiqué que cela ne serait possible que s'il était prouvé à 100% que les Syriens ne sont pas en tort. Ils disent 100%, pas 99,99%. Il suffira donc d'une petite rocket tirée d'une source inconnue sur les inspecteurs de l'ONU pour empêcher toute nouvelle résolution. Encore du temps de gagné. Et, au fait, pas un mot sur la condamnation ou même une enquête sur les coupables de cette attaque chimique. C'est oublié. Ni Cour Pénale Internationale, ni enquête ONU. Et pendant ce temps, la Syrie peut officiellement "engueuler" la France, parmi d'autres, pour apporter son soutien aux "rebelles", y compris pendant l'Assemblée générale de l'ONU. Ca ne ressemble pas à un monde à l'envers ?

Un deuxième exemple, plus américain. La bataille sur le budget américain passe en cette fin de mois de septembre par un nouvel affrontement entre Obama et les républicains. Le chantage, pardon la négociation entre les parties est simple : Je voterai ton budget et ton plafonnement de la dette si tu ajoutes dans ta politique mes thèmes à moi. Du classique. C'est passé cette semaine par un républicain tenant le perchoir pendant 21 heures et racontant de tout pour ralentir le vote, d'une histoire pour enfants à des parallèles entre Obama et les nazis qui ont fait marquer à ce parlementaire un nombre conséquent de points Godwin. Cette fois, les républicains poussent le bouchon de plus en plus loin. Et cela sera pire à la prochaine échéance. C'est un jeu sans fin, au moins jusqu'aux prochaines élections. Obama navigue de sursis en sursis et ses adversaires aussi.

En France, on n'est pas mieux, rassurez-vous. N'oubliez jamais que lorsqu'un homme politique intervient pour critiquer un autre ou le gouvernement, c'est d'abord en fonction de ses intérêts propres. Surveillez bien le timing et regardez ce qu'il cherche à faire oublier. La presse analyse ainsi la mini tempête dans un verre de calva entre Duflot et Valls. Cela n'aurait rien à voir avec le fond (les Roms) mais seulement avec la volonté des Verts de faire oublier leurs guerres internes et leur incapacité à dégager une majorité interne stable. Vous y croyez vous ? Vous croyez qu'il s'agit en fait de tenir le plus longtemps possible en se foutant du reste ?

Comme le dit le proverbe africain cité ici : "Quand deux éléphants se battent, c'est l'herbe de la savane qui meurt" Et là, pas de sursis, la peine est immédiate !


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