mercredi 2 octobre 2013

France Université Numérique, c'est pas le fun

Annonce officielle aujourd'hui du plan pour développer le numérique dans les facs. Le nième plan en fait. L'acronyme FUN de ce plan n'est pas un anglicisme attardé, quoique l'anglais soit maintenant possible. C'est un acronyme pour Faculté Un (Puisque F1 était déjà pris depuis quelque temps). On attend déjà FDEUX et FONZEn sabs faire de la FHUIT en avant.

Il s'agit donc de rattraper l"éternel retard dans le numérique en s'occupant un peu plus de contenus et moins de tuyaux. Et pan sur le bec d'Orange. De quoi s'agit-il ?

Il y a belle lurette que des formations à distance sont proposées en formation initiale, mais le plus souvent elles sont trustées par des apprenants en formation continue, parce que les modalités en sont plus pratiques pour eux. Ces formations sont souvent chères, plus chères que les formations traditionnelles, mais pas forcément plus coûteuses pour l'étudiant qui dépense ainsi moins par ailleurs et qui reçoit des aides multiples. Le catalogue français se chiffre en centaines de cours.

Le modèle pédagogique est en fait le point qui coince le plus. Le texte présenté en Conseil des ministres parle d'ailleurs d'une pédagogie rénovée. En ce qui concerne l'évaluation du cours, la notation des devoirs, il y a de vraies différences de cultures entre les pays et les solutions largement utilisées aux USA par exemple, à base de quizz pleins de pièges sont souvent très différentes des solutions adoptées en France, sauf pour certaines matières plus techniques et scientifiques. Cette rénovation pédagogique suppose du temps. En proposant une "plateforme en ligne" pour construire, héberger et fournir des cours, le Ministère adopte la solution typique ici : un outil d'abord et on verra ensuite les usages et la mobilisation des acteurs. On ne refait pas sa propre culture institutionnelle et administrative en quelques mois non plus. L'outil sera certainement très bien, puisque ce sont nos meilleurs chercheurs en informatique (ceux de l'INRIA) qui l'auront conçu. Mais cela ne suffira pas.

Les fameux MOOC (que certains s'obstinent à prononcer Moque, la plupart Mouque, et enfin quelques ayatollah de la langue avec des traductions toutes plus nulles les unes que les autres) ont pourtant été inventés pour drainer vers les institutions qui les proposent les meilleurs éléments, dans une politique à la fois marketing et de ressources humaines.  Heureusement, l'Internet est plus fort que cela. Depuis son origine, il a passé son temps à être détourné de ses usages initiaux et à proposer des avenues improbables, toutes n'étant pas de la même valeur morale.

En général, un étudiant étudie pour plusieurs raisons : passer le temps en attendant mieux, apprendre et connaître, avoir un métier en rapport avec ses études, utiliser ces études comme porte d'entrée ailleurs, avoir de bonnes notes, avoir des diplômes, draguer. Une des motivations les plus fortes pour l'Université et son monde est celle du diplôme et donc de la valeur de ce diplôme. Sur cette dimension, le FUN ne changera pas grand-chose.

Gageons, puisque ce numérique est l'une des très grosses priorités de François pour son quinquennat, que ce projet marchera suffisamment pour montrer que la situation sera meilleure qu'avant. Ce qui me paraitrait intéressant serait de mesurer l'impact de ce projet dans plusieurs domaines : la qualité des enseignements, la capacité à industrialiser ce tye de formation au lieu d'en mettre une par-ci par-là pour obéir à une commande, les modifications de comportement par rapport à la formation, et principalement à la formation continue ou, comme on dit maintenant, la formation tout au long de la vie.

Le MOOC est un mot FUN pour attirer les médias et montrer sa modernité. Sera-t-il plus que cela, ou sera-t-il déjà oublié dans 6 mois et remplacé par un autre concept. Tout dépendra des objectifs poursuivis : si cela continue à être un produit d'appel, pur produit marketing pour vendre des diplômes et des certifications, ou un outil simple de distribution en ligne de contenus généralistes, ou une mode à vite découper en segments plus fins, il y a peu de chances qu'on en parle encore. Le modèle français en cours de construction saura-t-il trancher entre ces différentes options ? Les experts s'agitent en tous cas, chacun voulant un petit bout du fromage...

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