mercredi 29 janvier 2014

Tunisie 2.0

Ca ne vous a pas échappé, mais un grand pas a été franchi en Tunisie la semaine dernière. Après trois années de révolution permanente suite au "Dégage" du printemps arabe, la Tunisie a enfin une nouvelle Constitution. Et en attendant les élections prévues dans ce cadre, un gouvernement de transition a été mis en place et confirmé par les parlementaires.

La Constitution (texte intégral) a défrayé la chronique pendant plus sires semaines juste au moment de son adoption. Certains y voyaient des avancées remarquables, pour les droits de l'Homme, les femmes et un équilibre entre Etat et religion. D'autres n'y voyaient que la continuation du passé, trop laxiste ou pas assez, sans avancée majeure. Certains y voyaient même des reculs. En fait, la Constitution est très progressiste, notamment pour les femmes. Celles-ci ont donc eu raison de se battre pendant des mois, dans la rue et ailleurs, pour que soient définis et assurés leurs droits. Le fait que cette Constitution ne fait pas référence à la charria, la loi islamique, mais parle seulement d'une religion principale, est en soi un tournant par rapport à ce qui aurait pu se passer. Les islamistes ont en effet prouvé à la population que leurs positions extrémiste n'étaient pas celles désirées. Les violences contre les "défenseurs des droits de l'Homme" ont été en ce sens contre-productives pour ceux qui les ont perpétrées ou soutenues, même du bout des lèvres. L'assassinat d'un seul homme, dépit par exemple, a pu faire basculer la situation et s'écrouler la "confiance" du peuple dans le parti islamiste au pouvoir.

Les femmes tunisiennes deviennent ainsi les femmes les plus protégées de tous les pays musulmans (arabe-musulmans en fait pour être précis). La Tunisie était déjà en pointe sur ce sujet, mais les risques de retours en arrière étaient nombreux. Il n'y a pas d'autre leçon à tirer de ce texte que de constater que la lutte paye. Si les femmes (et les hommes qui défendent aussi ces droits) n'avaient pas combattu aussi durement pour défendre leurs droits, certaines phrases n'auraient pas été présentes dans ce texte fondamental, comme la parité et le traitement équitable dans le monde du travail, sans même parler des violences aux femmes. La victoire est là, mais elle s'est jouée sur le fil.

Le gouvernement est en place, donc. Un gouvernement qu'on dit soit indépendant, soit de techniciens ou de technocrates, soit apolitique. Il vient d'obtenir la confiance du Parlement. Confiance est un drôle de mot, mais on a le même en France pour parler de la responsabilité d'un gouvernement devant le Parlement. Il y a plein de confiances différentes, suivant à qui on l'accorde. Ce gouvernement doit préparer des élections libres et conformes à la Constitution en 2014, mais il doit aussi rétablir la confiance dans la Tunisie pour améliorer la situation économique du pays, car après tout, beaucoup de situations de crise se dénouent quand l'économie va bien et que le social l'accompagne. A ce titre, on notera que le modèle belge est instructif : la Belgique est restée longtemps sans gouvernement, pour des raisons complexes de politique interne, que seuls les belges peuvent espérer comprendre. Les affaires courantes ont donc été gérées par des technocrates et finalement le résultat a été plutôt correct. Evidemment, aucune décision politique de fond n'a pu être prise pendant cette période, et ces décisions n'ont été que retardées.

En Tunisie, il y a maintenant un nouveau texte qui fige des décisions politiques lourdes. C'est fait, et cela ne pourra être défait que par une autre Constitution. Certains articles sont en effet non amendables. Au gouvernement et aux citoyens de s'appuyer dessus pour choisir entre les orientations politiques possibles. Il y a suffisamment de marge dans ce domaine pour couvrir plein d'options différentes, cf. la France par exemple ;) qui n'arrive pas à réformer sa Constitution mais qui dispose de projets différents pour son avenir.



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