lundi 3 février 2014

Comment appeler cette droite qui court les rues ?

Manifs hier dans les grandes villes en France. Une manif pour tous revisitée, sans ses fondateurs plus ou moins barjots, avec des tas de mouvements hétéroclites rassemblés. Moins à droite que celle du week-end d'avant qui a vu, comme dit Badinter, pour la première fois depuis la collaboration des slogans comme "les juifs dehors" et que certains journalistes traitent de "retour des ligues" de sinistre mémoire. Pas de tels slogans hier, a priori, mais des délégations communes entre les deux manifs. On remarquera que les policiers lyonnais comptent mieux que les policiers parisiens puisque l'écart classique entre les estimations des organisateurs et de la police n'est que de 2 à Lyon contre 6 à Paris...

Manif de droite, clairement, mais de quelle droite ? L'UMP est gênée aux entournures, le Front national reste bien discret. On mélange plusieurs discours, autour de la tradition : la famille, la séparation des genres, l'unité du pays autour des valeurs traditionnelles et le rejet de François. La droite traditionaliste (genre Christine Boutin) ne se reconnait même pas entièrement là-dedans. Lisez ici un article pour comprendre (un peu) la galaxie autour de ce mouvement disparate.

Manuel Valls a traité cette "tendance" de Tea Party en référence aux ultras du parti républicain (de droite) aux USA, qui eux même font référence aux épisodes les plus forts de la révolution américaine. C'est un peu rapide et c'est oublier qu'il s'agit aux USA d'une sous-tendance du parti républicain. En France, la droite est éclatée sur plusieurs partis et alliances et la situation est plus compliquée. Il n'y a pas de leader du Tea party en France. Pas encore en tous cas. Guaino imagine déjà une grande vague populaire conduisant Sarkozy de retour à la tête du pays, mais laissons-le à ses fantasmes en espérant juste qu'ils ne se réalisent pas.

Les manifestants utilisaient des mots étonnants et classiques à la fois : idéologie destructrice des ministres, réaction, anti-conservatisme... Les anti-manifs pour tous exagéraient leurs détournements en ressassant le mot facho : même les psychanalystes sont embrouillés.

Une des difficultés du discours politique, qu'il soit tenu par des professionnels de la politique ou par des citoyens comme vous et moi, c'est l'abus des mots. Surtout l'abus des mots-valises. Accuser les "autres" d'être réactionnaire est toujours de bon ton, quel que soit le discours de chacun. Finalement, chacun peut se percevoir en réaction aux autres et donc chacun peut se voir comme le juste détenteur de la vérité, contre des "autres" qui les attaquent ou se défendent. En général, tout cela se tasse, avec le temps et un recul historique. La "réaction" s'identifie à ceux qui résistent à un mouvement de modernisation. Et qui perdent en général. Mais sur le moment, il est savoureux, si vous y réfléchissez bien, de traiter de conservateurs ceux qui justement veulent accompagner le changement de la société et la moderniser, alors que les anti-réactionnaires voudraient la conserver dans l'état où elle est depuis des centaines d'années. Les mots clés utilisés, comme GPA ou PMA divisent à gauche aussi. C'est ce qui caractérise les débats de société. Le mot clé "avortement" a également été utilisé, mais dans ce cas le consensus politique reste assez solide.

Il reste que ce mouvement s'installe dans la durée. Il se renforce en prenant de l'assurance et vice-versa. C'est un cercle vicieux ou vertueux selon votre position personnelle. Mais un mouvement sans assise politique et sans représentation dans les urnes est un mouvement vain, en France. Nombreux seront donc ceux qui voudront le récupérer. A gauche, la situation pourrait être la même, face à des manifestations syndicales ou sans syndicats, mais ces manifs ne sont souvent que des protestations contre une loi ou une orientation sociale, et la discussion revient vite sur le terrain syndical et politique, avec des négociations formelles, ou des abandons en rase campagne.

La gauche sait gérer sa relation avec les manifs depuis longtemps. La droite est en train de l'apprendre. Résultat à suivre dans les urnes nationales mais aussi aux européennes, puisque l'Europe est toujours la source de tous les maux.


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