mercredi 27 août 2014

La francophonie économique, vraiment ?

Jacques, Attali, l'ineffable et indéboulonnable conseiller, a remis hier à François le rapport qui lui avait été demandé sur "La Francophonie Economique". J'ai lu ce rapport (pdf ici). Commentaires à chaud dans ce billet, puisqu'on aime bien la Francophonie ici.

- Le titre est aligné avec le concept de diplomatie économique défendu notamment par Fabius. Quoi faire pour que la diplomatie, et donc la Francophonie, profite à l'économie française. Même si ce n'est pas l'objectif unique de la francophonie, c'est un objectif acceptable. La France n'est pas le seul partenaire de la Francophonie, même si c'est le plus gros contributeur à sa partie officielle et institutionnelle. Il n'y a pas de raison de ne pas en profiter aussi. Le Canada par exemple impose presque tout le temps que les fonds canadiens soient réservés à des acteurs du pays, même quand ils sont au bénéfice de pays en développement.

- le titre est à double sens. Il s'agit également de rendre la francophonie plus économique, c'est-à-dire moins chère : être plus efficace (suivant les principes de la déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide) mais aussi pour le donateur ; être financée par d'autres moyens (dits innovants) que par l'argent public. En ce sens le rapport fourmille de propositions pour multiplier les partenariats avec des acteurs privés et associatifs classiques, au-delà des dinosaures parapublics existants.

- Jacques Attali use et abuse d'un nouveau terme "francophilophone" pour désigner à la fois les francophones et les francophiles, c'est-à-dire ceux qui aiment la langue française et ceux qui aiment la France, où qu'ils soient, dans un pays francophone, un pays francophile, une diaspora, ou isolés. Tous les militants francophones connaissent bien l'ambiguité entre francophonie et francophilie. La confusion entre les deux n'existe pas dans la tête des acteurs français (comme Attali) mais elle est très vivace chez les autres francophones non français. Moi j'aurais proposé d'autres termes ;
- francophilouphone
- francophonouphile
ou mieux
-francophonophile (ceux qui aiment la francophonie)
M'enfin, on ne m'a pas demandé mon avis ;)

- Le pari est donc de dire que le partage d'une langue est un atout pour développer les échanges économiques, mais que cela ne se fait pas tout seul. Il faut l'accompagner. Certains prédisent en effet une forte croissance des francophones, essentiellement grâce à la poussée démographique en Afrique. Encore faut-il former cette population au français (ou en français ce qui n'est pas la même chose). Et si aucun moyen supplémentaire n'est mis pour cela, les jeunes seront formés autrement : il ne manque pas d'autres coopérations internationales qui se feront un plaisir d'agir, et les langues africaines se développeront. Attali dit donc simplement que la France doit tirer parti de ce réservoir de richesse et s'en donner les moyens. En termes économiques, on appelle cela de l'investissement.

Parmi les propositions, j'ai noté celles-ci pour l'enseignement supérieur :

- n°6 : promouvoir les FLOTS (MOOC en français, bien que CLOM soit un autre acronyme possible pour les ayatollahs de la langue), c'est à dire les cours en ligne en français, ouverts à tous.
- n°14 : renforcer les partenariats entre les écoles techniques supérieurs spécialisées dans divers secteurs et les filières de prestige : commerce, médecine, ingénierie
- n°15 : avoir enfin des visas pour les boursiers francophilophones (?)
- n°30 : développer communauté scientifique francophone et développer les brevets au sein de cette communauté
- n°31 : créer des partenariats public-privé pour la recherche en Afrique (si les entreprises le veulent bien)
- n°44 : créer un portail numérique pour tous les étudiants francophilophones (décidément j'ai du mal à taper ce mot) du monde, en français.

Dans les autres domaines on trouve en vrac :

- n°53 : la plus "politique" des propositions qui vise à transformer l'OIF en UEF : passer d'un Sommet mou de chefs d'Etats à une Union économique francophone, comme les unions régionales (Europe, Afrique par exemple). Pas simple et assez provocateur évidemment ! A quelques mois du Sommet de la Francophonie, c'est à suivre avec intérêt !
- n°5 : rapprocher le CNED du Ministère de Fabius (qui décidément est en train de tout rassembler autour de lui).
- n°12 : enseigner la musique francophone ! (Do Ré Mi Fa Sol La Si Do au lieu de ABCDEFG ?)
- n°16 : créer un Netflix francophone (avec Belphégor, les Rois maudits et Nounours ?)
- n°36 : relancer le label "origine France garantie"... Un fromage pour Montebourg ?
- n°38 : créer un forum des affaires francophilophones (si quelqu'un arrive à le prononcer)

Que du bonheur donc à lire cette prose... Qu'en fera le nouveau gouvernement ? François en parlera-t-il devant les ambassadeurs de France réunis à Paris en cette fin de semaine comme tous les ans ?

Quel suspense !

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