vendredi 19 septembre 2014

Vous avez dit Patrimoine ?

Ce week-end ce sont les trentièmes journées du patrimoine. Créées donc en 1984 pendant l'ère flamboyante d'un couple Lang-Mitterrand, ces journées ont pris de l'ampleur pendant ces 30 glorieuses : de plus en plus de sites, de plus en plus de types de patrimoines, de plus en plus de pays en Europe, un peu comme la fête de la musique et d'autres initiatives culturelles.

Du point de vue du ministère de la culture, c'est un moment important, un entre-deux opportun pour faire le point.
- La Culture ou l'économie de la culture ? Vieux débat qui prend de l'ampleur avec cette volonté de plus en plus grande de monnayer la culture pour les étrangers, en la liant au tourisme. Un débat qui traverse les spécialistes. Un débat qui sera au coeur de la nouvelle Commission nationale française à l'UNESCO lancée en octobre avec un format rajeuni.
- La bataille entre Ministère de la Culture et Ministère des Affaires étrangères sur le dossier de la culture française à l'étranger, sur fond de rapport Attali sur la Francophilie et la Francophonie ? Avec la création toujours possible d'un grand établissement français qui regrouperait d'autres établissements existants pour promouvoir le label "Culture" et "France", sous contrôle de Fabius évidemment, après les années Filippetti (rapport Janicot).
- Les divergences sur les priorités ? François a parlé de numérique hier et la nouvelle ministre de la Culture aussi à la sortie de la conférence de presse, alors qu'au même moment Jack Lang parlait patrimoine dans sa conférence de pesse de lancement de son livre à lui ? Numérique et patrimoine ne s'opposent pas forcément mais le problème est justement dans l'absence de culture numérique de certains responsables qui laissent ainsi la voie libre à des experts numériques incultes de temps en temps.

Du point de vue de Jack Lang, justement, c'est un bon moment pour se rappeler à la mémoire volatile des médias. Un trentième anniversaire ça se fête. Et l'initiateur de ces journées du patrimoine sort un livre où la défense du patrimoine est au coeur d'une stratégie de relance. D'ailleurs on devrait parler de promotion du patrimoine et pas de défense. Son livre (epub) s'intitule "Ouvrons les yeux !" (après l'opération "levez les yeux" pour les enfants). Extrait de ce coup de gueule :

" Combien de kilomètres devons-nous effectuer au travers d'une forêt 
monstrueuse de néons géants, de panneaux assourdissants, de jungle de 
métal, de déserts de tôles grisâtres, d'enseignes infernales, de centaines de
slogans publicitaires, sortes de promesses de bonheur pour les nuls, des 
mensonges insupportables destinés à nous siphonner le crâne, à nous 
transformer en unité de consommation ? Combien de kilomètres avant 
d'entrer dans une de nos petites villes ou villes moyennes dont les centres 
historiques, beaux mais tristes, se meurent ? Mais où sommes-nous ? Qui 
sommes-nous devenus? 
(...) 
Continuer de la sorte, refuser de renouveler notre pensée, ne pas aborder 
collectivement et clairement notre manière de traiter le patrimoine à l'aube 
du XXIe siècle aboutirait à le souiller définitivement. Deux cents générations 
avaient façonné le visage de la France depuis le Néolithique (mais oui, le 
Néolithique), et nos dirigeants s'apprêtaient – brillante génération qui avait 
connu tous les bonheurs et qui léguait à ses enfants en signe de reconnaissance 
la crise et des abysses d'inégalités – à la défigurer à jamais. "

Du point de vue du citoyen normal ? Je ne prendrai qu'un exemple. Vous vous souvenez du combat contre la prolifération des cadenas d'amour (ou de haine) sur les ponts de Paris, classés par le Ministère de la Culture et inscrits au patrimoine mondial de l'Humanité ? C'est un mouvement qui avait été lancé par No Love Locks (et qu'on a soutenu ici sur ce blog). La Mairie a décidé d'agir cet été. Depuis hier le Pont des Arts a vu deux de ses rambardes (sur les 110 existantes) remplacées par des vitres en verre. Elles ne sont pas encore taggées (ni brisées) mais il est impossible d'y accrocher des cadenas. Est-ce un premier vrai pas ou une simple expérimentation ? Est-ce lié aux journées du patrimoine ?

En tous cas regardez bien cette photo qui résume à mon avis la problématique du patrimoine :


On y voit trois générations de panneaux, censés protéger les gens de chutes dans la Seine :
- les cadenas, accrochés sur des grilles métalliques en treillis qu'on ne voit plus
- un panneau en bois, cache-misère temporaire et très opaque (taggé évidemment)
- la nouvelle vitre, transparente et claire, toute neuve et qui nous laisse voir la Seine, sous l'pont des Z'arts"

Accessoirement un joli pont en-dessous et le Louvre derrière...

Quelle solution pour le patrimoine préférez-vous ?

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