lundi 9 février 2015

Fuites suisses : Hen Suisse Banquiers Chocolats

Publication par le Monde et une cinquantaine d'autres médias internationaux des résultats d'une enquête journalistique sur les comptes bancaires en Suisse. SwissLeaks à ne pas confondre avec LuxLeaks au Luxembourg. Un autre paradis fiscal avec d'autres habitudes.

Il y a quelques perles dans les listes de détenteurs de comptes numérotés en Suisse. On en relèvera deux seulement :

Gad Elmaleh qui nous a choqué avec ses pubs pour LCL, la banque qui le fait rêver et pour lequel il souhaite n'être pas qu'un numéro - comme chez HSBC suisse ? Depuis peu il a été remplacé par d'autres acteurs mais avec les mêmes textes. Ceux qui croient à ce que raconte la pub peuvent se remettre en question : oui, la pub raconte des craques. Oui les riches acteurs peuvent être cons aussi, il n'y a pas que des pauvres cons. Evidemment en ce qui le concerne les sommes sont faibles - dit-il - car on ne dépasse pas les 100 000 euros sur la période considérée, il y a 7 ans et pendant quelques mois seulement. Cent mille euros ? C'est rien, non ?

Le roi du Maroc est un autre cas intéressant. Là les montants sont plus élevés, mais on est dans un domaine tabou. Il est interdit au Maroc de dire du mal du Roi et c'est un tabou largement respecté. Soit on n'en parle pas, soit tout ce que fait le roi est bien. Planquer de l'argent en Suisse c'est donc bien puisque le roi le fait, non ? Dans d'autres pays personne de doute que les dictateurs et autres politique omnipuissants planquent de l'argent un peu partout et pas seulement en Suisse. C'est tellement évident partout ailleurs. Ensuite chaque pays a sa justice, plus ou moins efficace et ses lois qui protègent plus ou moins différentes catégories de personnes. Tout cela tombe par hasard le jour où le Roi vient à Paris pour se réconcilier avec la France, sur le front diplomatique. Passera-t-il aussi par Genève ? Non évidemment, il n'a pas besoin de se déplacer pour cela.

Au-delà de ces deux exemples très différents, il y a quantité de patrons et de riches hommes et femmes d'affaires, ainsi que d'anonymes qui auraient bien aimé le rester. Mais il y a surtout une forme de journalisme de plus en plus efficace qui se met en place.

Lorsque le Monde a récupéré les données, il est apparu très vite qu'il y en avait trop et qu'elles étaient trop internationales pour être traitées par les quelques journalistes du Monde. Le choix de passer par ICIJ et de partager les données avec d'autres médias tout en réussissant à farder le secret pendant des mois est une forme de révolution dans la pratique de leur métier par les journalistes. On n'en est plus au Watergate et à un traitement par deux journalistes. On est à l'heure du Big Data version information journalistique.

Pour se cacher on sait qu'il existe deux grandes familles de solutions : soit bien se cacher avec des mécanismes complexes difficiles à détricoter, soit se fondre dans une masse de gens qui sont dans la même situation en se fondant dans la masse et en espérant ne pas être visible. Le métier de journaliste évolue donc vers des techniques pour débusquer les secrets dans ces deux grandes catégories. C'est l'enseignement à tirer de ce type d'affaires qu'on imagine devoir être de plus en plus fréquentes à l'avenir.

En quoi les méthodes journalistiques deviennent-elles alors différentes de celles de la justice ? Elles ne reposent pas sur les mêmes principes déontologiques ni publics, elles ne cherchent pas à prouver les mêmes choses, elles n'ont pas le même rythme ni les mêmes calendriers... mais elles sont de plus en plus complémentaires. Le secret de l'instruction est d'ailleurs de moins en moins secret. Et les prévenus se défendent. Les uns en disant que tout a été "magiquement" réglé entretemps, les autres en clamant que l'argent était là avant et qu'ils n'en ont pas profité - merci l'héritage en or - et enfin les banquiers de HSBC (maison mère à Londres) en accusant les listings d'avoir été trafiqués et les listes manipulées, ce qui permet de se dédouaner facilement. Le maître mot semble donc être "responsables mais pas coupables"... Ca ne vous rappelle rien ?




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