mardi 10 février 2015

Paris : un cas d'école pour les lobbies automobiles

On se croirait en plein dans les années 80, avec le retour en force des lobbies sur tous les sujets. Alors même que l'information est de plus en plus décrédibilisée, les lobbies représentent une force de plus en plus visible, par un mouvement classique de vases communicants.

Le débat porte sur la pollution à Paris et les moyens de lutter contre elle. Le constat est clair et tout le monde s'entend sur la pollution et le risque pour la santé : risque immédiat mais aussi à long terme pour les personnes y habitant ou y travaillant ; risque par rapport à la lutte contre le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, en cette année 2015 où la France et Paris veulent donner l'exemple avant la COP21 de la fin d'année que beaucoup espèrent être un pierre blanche sur la longue route des négociations internationales.

Vous vous souvenez certainement des débats d'il y a quelques années où les "climato-sceptiques" s'opposaient farouchement à l'idée qu'il puisse y avoir une cause humaine sur le réchauffement de la planète. Beaucoup de scientifiques et de politiques combattaient contre la possibilité de causes humaines. On peut dire qu'il y en a de moins en moins chaque jour et que presque aucune grande voix aujourd'hui n'ose plus soutenir cette cause perdue. Les arguments invoqués étaient nombreux et les lobbies influents. Chacun disait que les autres étaient plus coupables que lui : les automobiles moins que les camions, les camions moins que les industries, les industries moins que les agricultures, les agricultures moins que les vaches, les vaches moins que les automobiles...

Les politiques fluctuent (mais ne coulent jamais comme on dit à Paris) et proposer un plan anti-pollution est un exercice de plus en plus difficile, face aux manifestations qui bloquent les rues (des camions ou des taxis en général car les parisiens asthmatiques ne savent pas bloquer les rues).

Lundi, Anne Hidalgo a donc fait voter par le Conseil de Paris son plan anti-pollution : Quelques détails ici sur un site spécialisé et pro-automobiles, ou ici le plan complet sur le site officiel de la Ville. Le plan prévoit l'interdiction des véhicules les plus polluants dans Paris intra-muros, mais il semble que le périphérique soit considéré comme juste hors de Paris sur ce coup. C'est toujours le problème des frontières : un coup elles sont dans le territoire, un coup elles sont juste en-dehors. Saviez-vous par exemple que les fameux filtres à particules sur les véhicules diesel ne sont obligatoires que sur les véhicules immatriculés après 2011 (trois ans seulement ???) et que ce plan justement vise à privilégier ces véhicules récents.

Les lobbies automobiles ont réagi vertement (euh, en fait pas du tout vertement, plutôt sur le mode rouge saignant et polluant). Un exemple ici avec un article sur Challenges.fr écrit par un journaliste automobile spécialisé. Je vous laisse lire cet article et juger de sa bonne ou mauvaise foi. C'est un vrai cas d'école ;)

Les observateurs politiques remarqueront que l'UMP n'a pas voté le plan qui est passé grâce à la gauche et à ses alliés temporaires sur le sujet, les verts notamment. Certaines voix s'élèvent à l'UMP pour dénoncer le vote politicien du groupe UMP parisien, contre l'intérêt des habitants. Mais qu'ils n'oublient pas les élections départementales puis régionales cette année. L'intérêt général est rarement prioritaire en pleine année électorale.

Et à gauche des voix s'élèvent également, cette fois issues des départements voisins de la région. Les banlieusards et les élus de gauche qui les représentent s'inquiètent des conséquences pour eux : comment bien revendre une voiture polluante qui ne pourra plus rentrer à Paris ? comment ne pas avoir une région à plusieurs vitesses avec un Paris protégé et pas le reste des communes ?

La résistance au changement - climatique, environnemental ou comportemental - reste une caractéristique essentielle des systèmes complexes. Le triangle pollueur-pollué-régulateur est l'un des systèmes les plus complexes dans lequel les rôles de chacun sont flous. Paris, après des mois de fluctuat nec mergitur a décidé d'agir. Tiendront-ils bon ?

Il n'y a pas que le diesel dans ce plan anti-pollution, évidemment, et beaucoup d'autres aspects sont traités, mais toute cause a besoin d'un héraut et d'un héros. Depuis toutes ces dizaines d'années où la France s'est tournée vers le diesel comme LA solution, il est normal de se focaliser sur cet aspect. Le lobby passé des constructeurs automobiles français (PSA principalement) a été très puissant pendant des décennies. Saura-t-il évoluer (tout en restant un lobby) ?


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