vendredi 22 mai 2015

L'affaire Bluetouff : Google est dangereux

La Cour de Cassation a rendu un jugement défavorable à la liberté dans l'affaire Bluetouff. Faites gaffe donc. Chaque fois que vous cliquez sur un lien issu de Google et que vous téléchargez un document, vous êtes susceptible d'être accusé de piratage, même si ce document est public.

Pardon ? Vous avez sursauté ? Vous avez dit, incroyable, ou je ne comprends pas ? L'histoire est ici dans le Parisien. Elle est racontée là par ceux qui ont donc été condamnés.

C'est un cas particulier, comme toutes les affaires, mais il y a un risque de jurisprudence pour nous tous qui utilisons l'Internet, avec en plus la loi pour le renseignement sur le dos. Cette affaire particulière est simple. Un blogueur cherche des infos sur un sujet scientifique, pour un média en ligne, et télécharge des articles et documents trouvés via Google, en accès libre et public. Il tombe alors sur le site d'une agence française spécialisée et y découvre plein de documents intéressants sur son sujet et sur d'autres dossiers. Il les télécharge. Las ! le site est un site interne et réservé, mais non ou mal protégé et donc Google a indexé son contenu. Le blogueur publie un article et l'Agence se rend compte qu'un document vient de chez elle. Elle porte plainte mais la retire dès qu'elle se rend compte que c'est sa faute et qu'elle aurait dû interdire l'accès à ses documents, ce qui n'était pas le cas - à l'époque. L'affaire arrive quand même au pénal et le blogueur est relaxé, puis condamné en appel et confirmé donc en cassation. Il ne reste plus que la Cour européenne des Droits de l'Homme.


Ce qu'on reproche à cet utilisateur est pourtant pratiqué par beaucoup d'utilisateurs. Chercher quelque chose avec Google, le trouver, le télécharger et se balader sur le site/serveur pour voir si d'autres choses intéressantes y sont : après tout c'est comme cela qu'on a l'habitude de découvrir de nouvelles choses non ? Lorsqu'on publie un blog ou une revue, il faut vérifier ses sources et ne pas publier d'information fausse (c'est de la déontologie) ou piratée (c'est la loi). Mais lorsque des informations sont librement disponibles (parce que leur auteur n'a pas voulu ou su les protéger) où est le piratage ?

On n'est pas dans l'affaire Snowden ou dans le cas des donneurs d'alerte qui cherchent à rendre publiques des informations d'intérêt public justement. L'attitude de la justice est effectivement difficile à comprendre - sauf si on est juriste et encore - dans ce cas. Il semble que le "coupable", après avoir téléchargé le document indexé se soit rendu compte qu'il était sur un site réservé et l'ait parcouru, pour chercher d'autres documents sur le même sujet. Il n'y aurait donc eu intrusion caractérisée que parce que l'utilisateur se serait rendu compte qu'il n'aurait pas dû être là, alors même que les informations étaient librement accessibles.

Comment savoir si on est dans un espace réservé ou pas, surtout quand cet espace n'est pas identifié comme tel ? C'est effectivement de la responsabilité du propriétaire des données que de les protéger. Si je laisse mon coffre à bijoux dans la rue toute une nuit, est-ce que je vais pouvoir porter plainte si on me le vole ? non je pense. Mais si je laisse la porte de ma maison ouverte avec une pancarte dessus "entrée libre, prenez et servez-vous", quelle est la réponse ? C'est évidemment encore bien pire sur l'Internet avec des territoires mal balisés et des moteurs de recherche comme Google qui permettent d'entrer dans les maisons par toutes sortes d'ouvertures virtuelles.

On ne peut qu'être surpris par une telle décision. Une phrase du site qui a été condamné vous explique les enjeux :

"Le pourvoi a été rejeté hier. Désormais, cher internaute, choisis avec soin les liens sur lesquels tu cliques lors d’une recherche sur un moteur comme Google. Car si dans la tête de l’admin responsable de la page que tu consultes, celle-ci est considérée comme confidentielle, et même en l’absence de protection de cette page, par exemple via un identifiant et un mot de passe, tu risques une condamnation. Te voilà pirate informatique."

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