jeudi 15 octobre 2015

Gazole qui désole

Annonce surprise du gouvernement hier pour rapprocher le prix du gazole du prix de l'essence.

Surprise ? Cela fait longtemps que les gouvernements essayent de s'y mettre, mais aucun n'avait osé avant. Ce mouvement plus rapide que prévu est sans doute dû à la conjoncture :

- dans un climat général de baisse des impôts, mesure phare du budget 2016 en discussion actuellement au Parlement, une annonce qui va alourdir graduellement la fiscalité des propriétaires de voitures à moteur diesel, mais en échange de nouvelles baisses de taxes (locales) pour les plus démunis. Un bon timing budgétaire.

- le scandale Volkswagen qui a permis depuis des semaines de mesurer le caractère polluant de ces moteurs, au point qu'il est nécessaire de tricher pour respecter les normes. Un scandale qui touche l'image de VW et de ses marques, mais qui touche l'ensemble de l'industrie automobile, et en France particulièrement car l'écart de prix a conduit les acheteurs à se tourner de plus en plus vers ces voitures, devenues le fer de lance de nos (chers) constructeurs nationaux. La nocivité du diesel est donc de plus en plus acceptée, même par les non scientifiques. Un bon timing médiatique.

- la COP21 en décembre où la France pourra annoncer cet effort pour l'environnement, un parmi d'autres, comme Engie qui annonce arrêter les centrales à charbon. Un bon timing international.

Evidemment tout cela va prendre du temps, mais c'est intéressant de voir une telle décision prendre vie. Le gazole a plein de défauts et de conséquences négatives sur l'environnement et la santé humaine (cancers du poumon et de la vessie par exemple). Cela s'inscrit d'ailleurs dans une normalisation de certaines taxes qui datent d'il y a bien longtemps et qu'il est temps de nettoyer, comme la gabelle du sel. On appelle encore aujourd'hui les douaniers des gabelous, car ils récoltaient la taxe à l'époque. Le débat actuel au Parlement sur la taxe tampon est à ce titre édifiant et symbolique d'une société française très phallocrate, cf le petit film ci-dessous tiré d'ici.



Mise à jour : Regardez ceci, pour voir ce que donnerait vraiment un tampon "produit de luxe"...

Tout ceci n'a aucun rapport avec le diesel, qui est asexué, mais montre bien l'absurdité de certaines taxes et surtout des différences de taxes entre produits comparables, qui ont été discriminés au fur et à mesure à coups de mesures transitoires qui durent toujours. Mise à jour : le Parlement retoque la baisse de la TVA sur les produits d'hygiène féminine... Je reste sans voix.

Mais revenons à nos diesels. L'histoire de la TIPP devenue TICPE pour inclure les nouveaux types de carburants (mixtes, bio et électriques) est édifiante. Lire ici sur Wikipedia. J'aime particulièrement la comparaison avec la gabelle, la taxe sur le sel, qui a été à l'origine de révoltes (et même de la Révolution) et qui n'a été abolie en France qu'en 1945 !!! Il s'agit d'une taxe indirecte dont les bénéfices vont aux collectivités territoriales. Elle a connu toutes sortes de vicissitudes, comme la TIPP flottante. A une époque les taxes (TIPP+TVA)  pouvaient représenter jusqu'à 80% d'un litre de carburant (gazole ou essence) mais aujourd'hui on est en dessous de 50%.

Il ne s'agit pas de supprimer cette taxe juteuse pour l'Etat et ses collectivités, mais de réduire le gap : arriver à un juste milieu entre montant de la taxe sur le gazole et sur l'essence. Un centime de plus ici mais un centime de moins là, sachant que l'écart actuel frôle les 20 centimes. Le gazole serait en fait plus cher que l'essence à la pompe si les taxes étaient identiques, incroyable non ? Normal, car le moteur diesel consomme moins que celui à essence. Le problème est donc de savoir où sera le point d'équilibre, sachant que 80% du carburant consommé est justement du gazole. Le gouvernement annonce +1 et -1 centime en 2016 et en 2017, mais il ne peut s'engager au-delà pour des raisons évidentes. Reste que toutes les évolutions doivent être lentes dans ce domaine, car les industriels doivent adapter leurs produits. Le remplacement d'une voiture diesel de plus de 10 ans par une voiture fonctionnant avec d'autres énergies vient d'ailleurs de bénéficier d'un doublement de l'aide (1000 euros maintenant). Tout ça mettra du temps. Statistiques détaillées ici.

C'est une mesure qui sera impopulaire, car visible à la pompe immédiatement, et spécialement auprès des professions de la route (transporteurs, cars, taxis et autres Uber) qui sont avec une écrasante majorité équipés de moteurs diesel. Il faut s'attendre à des protestations prochaines de ces professions qui sont pourtant la plupart du temps exonérées en partie de cette taxe.

Les constructeurs vont avoir cinq ans pour s'adapter, car la demande pour des moteurs non diesel va progresser et leurs usines ne sont pas toujours prêtes pour ces moteurs. Ils vont automatiquement activer leur lobby et menacer de pertes d'emplois ou de frais de développement en augmentation. On peut donc s'attendre à des quémandes de leur part, le truc habituel en France, lorsqu'on remplace l'innovation par une subvention de l'Etat. Choix industriel stratégique qui a déformé notre société. Mais après tout, il a bien fallu, un jour, remplacer les allumeurs de réverbères au gaz par des lampadaires électriques, non ?

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