lundi 2 novembre 2015

Boo(g)le

Le Doodle du jour est parlant, non ?


Doodle ? C'est le nom de ces transformations bizarres (et à l'esthétique délicatement ringarde) du logo de Google qui apparaissent chaque jour sur la page d'accueil du moteur de recherche. Ils ont vocation à célébrer un événement et, incidemment, à montrer que Google est cool et dynamique. Ils ont aussi vocation à "fixer la mode". Comme le disent certains experts, lorsque Google change quelque chose dans sa politique graphique - comme avec le lancement d'Alphabet - une grande partie du web suit. C'est exactement comme un créateur de mode qui influence tout le secteur... sauf que le poids gigantesque de Google dans l'économie de l'internet renforce encore cette tendance. Les Doodle peuvent être différents suivant les pays, en fonction de critères marketing ou politiques plus ou moins évidents. On imagine être dans la tête du chef de la rubrique Doodle chez Google. Ca doit être un boulot plutôt fun, non ? (Excusez mon franglais, mais je reviens de l'Afrique anglophone et mon français est un peu rusty, waf, ouaf).

La liste des Doodle est ici. A regarder si vous avez envie de perdre du temps. Il peut donc y en avoir plusieurs par jour, aujourd'hui c'est aussi le jour des morts par exemple, férié dans certains pays pour rattraper la Toussaint de dimanche, hier. Le Doodle ci-dessus est visible dans le monde entier aujourd'hui, sauf... aux USA. Pourquoi ?

Parce qu'à propos de morts, on célèbre (discrètement) aujourd'hui le bicentenaire de la naissance de M. Boole, qui était anglais (donc non américain). C'est mon interprétation et elle vaut ce qu'elle vaut.
Je vous renvoie vers cet article du Hindoustan Times (en Inde) pour y découvrir un point de vue non américain et plutôt british sur le sujet.

George Boole a inventé l'algèbre booléenne et la logique du même nom. C'est à cause de lui que les ordinateurs sont conçus comme ça et que toute la logique binaire a fondu sur l'Humanité comme la vérole sur le bas clergé (breton).

Le monde est donc divisé en deux. Des 0 et des 1 pour les ordinateurs, du on et du off pour le festival d'Avignon les interrupteurs, du vrai et du faux pour les quizz, des oui et des non pour les cérémonies de mariage... Les hommes avaient inventé le découpage binaire du monde bien avant, dès le premier jour en fait (bien ou mal, tuer ou être tué, maître ou esclave, blanc ou autre, con ou pas con...), mais Boole a su formaliser cela dans une logique mathématique stricte permettant d'imaginer puis de construire des automates, des circuits téléphoniques et ensuite des ordinateurs, avec des combinaisons de circuits électriques puis électroniques. Son texte fondateur date de 1847. Il avait 32 ans. Il mourra à 49 ans. Comme le dit Wikipedia "George Boole meurt d'une pneumonie le 8 décembre 1864. Il avait pris froid après s'être rendu au College. Croyant au principe d'analogie, au sens de « soigner le mal par le mal », Mary [sa femme] l'avait alité et aspergé d'eau pour le guérir"...

Son titre phare est ici, en français, et son titre "Les lois de la pensée" marque bien l'ambition de l'auteur. Il a été traduit chez Vrin par un autre philosophe, Souleymane Bachir Diagne, africain célèbre et reconnu à juste titre. Car George Boole était logicien, mathématicien, philosophe et humaniste. Il croyait à l'universalité de la pensée, tout en ayant jamais été à l'Université car trop pauvre. Un pur non-produit du système, reconnu par lui quand même sur le tard. Les maths et la philosophie vont souvent de pair, à la fois en termes de processus de pensée, mais aussi de champs à explorer, dans un ballet rhétorique et logique difficile à démêler parfois. Physique, métaphysique et pataphysique se rejoignent souvent, en fait.

Ca a l'air ridicule comme ça, cette découverte et cette formalisation, mais pour passer de l'informel au formel, il faut souvent des éclairs de génie. Et celui-ci a influencé toute notre société mécanisée.

Il aurait pu y avoir d'autres solutions.

Les logiques ternaires par exemple, avec des états à trois positions au lieu de deux (vrai, faux, inconnu). Certains ordinateurs ternaires ont été construits sur le principe su système trinaire (positif, neutre, négatif) mais sans succès, alors que cela accélère certains algorithmes. Je pèse mes mots, lisez Wikipedia... Ou alors les logiques polyvalentes, comme la logique floue, ma préférée, où il n'y a pas que le vrai et le faux (1 ou 0) mais un continuum de valeurs entre 0 et 1 : je suis un peu vrai, un peu plus que toi mais moins que l'autre...

Monsieur Boole est donc célébré aujourd'hui, dans un monde très binaire, plein d'oppositions de plus en plus fortes et où philosophie et logique combattent la déraison des extrêmes. Peut-être qu'une philosophie ternaire aurait été mieux après tout ? Quelles conclusions en tirez-vous ? (Vous avez quatre heures...)

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