vendredi 13 novembre 2015

Science, femme, une question de pluriels

C'est vendredi 13 et il n'y a rien à en dire : raison/logique/science et magie/préjugés/superstition peuvent faire bon ménage chez nous tous, bien qu'opposés, selon le contexte. Alors je vous propose aujourd'hui de parler d'autre chose - quoique - c'est-à-dire de science et de femme, ou de sciences et de femmes. Un sujet qui date s'il y a longtemps mais qui est revenu dans l'actualité récemment pour plusieurs raisons.

La plus récente, c'est cette campagne lancée par l'ENS, l'Ecole normale supérieure ou NormaleSup' pour les intimes, pour plus de femmes dans les sciences. Une campagne sous forme d'une websérie en six épisodes (et un blog pour les voir), un format clairement adapté aux jeunes de notre époque, collégiens, lycéens et jeunes étudiants en classe préparer ou pas, puisque c'est le public visé, même si la forme est très académique, c'est le cas de le dire pour une fois. Il s'agit d'attirer plus de jeunes femmes vers ce groupe d'écoles, les meilleures de France pour l'enseignement supérieur. Le Monde et Le Figaro en parlent chacun à leur manière, qui correspond à des visions différentes de l'élite. La mixité est un problème ancien surtout dans les sciences au sens large. En prenant ce problème qui touche toutes les couches des sciences et de l'enseignement supérieur en France, en Europe et ailleurs, NormaleSup essaye de retourner la lorgnette. Une telle école a besoin de candidates scientifiques, donc de personnes attirées par les sciences. Ca commence au primaire (voir la Main à la pâte de Charpak, ou cet effrayant article sur la peur du calcul dès le primaire à la fois chez les élèves et chez les instits), et ça se développe dans le secondaire. Les statistiques sont mauvaises et pas vraiment en hausse. Les sciences attirent moins, même chez les hommes, mais encore moins chez les femmes. D'autres grandes institutions du supérieur et de la recherche sont sur la même voie mais sans changer vraiment les choses. On citera ici seulement l´Institut Curie qui prend aussi partie, parce que Marie Curie a eu deux fois le prix Nobel et qu'elle reste un modèle. 

Il semble que la vidéo 5 sur l'équilibre ait été provisoirement retirée du blog de l'ENS, mais regardez les autres !



Un colloque cette semaine (change the numbers) a parlé de ce sujet avec un ton rafraîchissant, dans le cadre de la Fondation L'Oreal qui ne s'occupe pas, messieurs, que de shampoings. Elle promeut les femmes dans la Recherche, et les cinq lauréates du prix 2016 avec l'UNESCO viennent d'ailleurs aussi d'être élues. Le magazine Elle avait promu vingt chercheuses en octobre, toutes scientifiques. Au Féminin continue à se battre contre les préjugés idiots qui essayent d'expliquer pourquoi il y a des différences entre les sexes... A lire !

Aux USA par exemple, les scientifiques en général ont moins le vent en poupe. Pourtant... Regardez ce dessin et ses commentaires ici. Il s'agit de voir la rentabilité des études du point de vue des étudiants. Plus un point est haut et plus on regagne vite le coût de ses études avec les années. Plus un point est à droite et moins l'établissement est sélectif. En moyenne ce sont les scientifiques, ingénieurs et matheux qui sont les vainqueurs (tous sexes confondus). Quoique. Une étude officielle du gouvernement américain montre que les jeunes scientifiques hommes obtiennent plus rapidement et plus facilement les financements que leurs consœurs, au tout début de leur carrière, ce qui est fondamental pour accélère le déploiement de leurs recherches. Incroyable, non ?

En Allemagne, la situation est très mauvaise pour les femmes scientifiques. Une étude récente d'Elsevier le démontre, à l'occasion d'un énième congrès scientifique où la question a été abordée. Elsevier c'est le groupe roi des publications scientifiques, un de ceux par qui il faut passer si on veut être publié et donc avancer dans la recherche scientifique. Ils ont aussi besoin de se forger une bonne conscience (hum hum) car ils sont en partie responsables du dogme de la publication qui renforce les personnes en place (souvent des hommes, tiens, tiens).

En fait une des questions principales qui se pose est celle du pluriel, du S. Car science et sciences sont deux choses différentes. La méthode scientifique a des principes communs à toutes les disciplines, mais la géopolitique de chaque science est différente, y compris par rapport à la place des femmes. On trouve donc plus de femmes dans les sciences du vivant comme la biologie, et moins dans les sciences de la matière comme la physique. C'est un fait dans beaucoup de pays, en France aussi. Ce partage est-il un partage a priori ou a posteriori, là est la question. Qu'on prenne le problème par le très haut ou par la base, ces questions méritent qu' on y réfléchisse chacun, jeune lycéenne, parent d'élève ou enseignant. Mais aussi responsable d'établissement ou acteur institutionnel. Si on rajoute à cela le plafond de verre dont j'ai parlé ici par exemple, on voit bien qu' il faut agir. A tous niveaux. Il paraît que les patrons qui ont une fille sont plus humains et plus efficaces... Et les scientifiques ?



Sinon, deux actualités liées : 

Cette semaine les Russes ont annoncé avoir enfermé, aux fins de tests psychologiques, plusieurs femmes dans un espace fermé, afin de vérifier leurs réactions au cas où un équipage uniquement féminin serait envoyé sur la Lune (ou ailleurs suivant ce que décidera le Tsar Poutine). Une expérience parmi d'autres, habituelles dans ce type de situation, sauf que c'était la première fois avec un équipage féminin. Ce sont évidemment des femmes scientifiques et performantes, comme leurs collègues masculins. Plusieurs personnes ont considéré cela comme un acte macho. La gestion d'un équipage masculin, ou féminin, ou mixte est pourtant une chose délicate pour des missions de longue durée. Cette idée bizarre ressemble à de l'entomologie. Elle part pourtant du principe que la gestion du stress dans un contexte isolé et à plusieurs est une science encore incomplète. 

J'aime par ailleurs la science-fiction, comme beaucoup de scientifiques ou de geeks. Des garçons souvent, mais pas seulement. Lisez cet intéressant compte rendu  des Utopiales de Nantes début novembre, grand rendez-vous de la science fictions sur cette question femme-science-fiction...

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