mardi 24 mai 2016

Premier sommet mondial sur l'action humanitaire

C'est son logo
Ni les cinq anneaux olympiques, ni l'arc-en-ciel des mouvements LGBT

Ça se passe en Turquie, à Istanbul, et c'est le premier du genre, à l'initiative du Secrétaire général des Nations-Unies dont le mandat se termine bientôt et ce n'est pas un hasard : une sorte d'héritage pour l'avenir. Mais y aura-t-il un deuxième Sommet ?

Avant de parler de l'éventualité d'un deuxième Sommet, parlons de celui-ci. Site officiel ici. Il réunit Etats et ONG mais les ONG y ont comme d'habitude dans ces enceintes onusiennes une place réduite. L'objectif attendu est d'aboutir sur des mesures concrètes... Ces attentes sont jugées irréalistes par beaucoup, notamment à cause du boycott dont le Sommet a fait l'objet. Les russes se sont déclarés déçus et ne participent pas au Sommet, ils en refusent même par avance les conclusions (lire un article algérien là-dessus ici), tandis que parmi les pays du G8-1, le G7, seule l'Allemagne y est avec force, avec Angela en vraie star du Sommet. La France est représentée par l'obscur ministre de la Francophonie et du développement, André Vallini, par l'AFD et indirectement par Ségolène qui préside la COP21. Parmi les ONG, Médecins sans frontières a refusé d'y aller avec un communiqué cinglant dénonçant l'hypocrisie de certains pays (ah bon ?), mais Care y est par exemple.

Quand on dit premier Sommet, on se demande pourquoi il n'y en a pas eu avant, pendant les 70 ans d'existence de l'ONU. Il parait qu'on vit la par crise humanitaire depuis... un certain temps. En tous cas la candeur affichée de l'ONU est assez déroutante, quand ils disent : "Nous commençons à comprendre que la vie des conflits est plus longue que ce que nous avions coutume de penser". Ah bon ? Il y aurait une pré-crise avant la crise, puis une résolution en sortie de crise, puis même un accompagnement post-crise ??? Ça alors ! Sauf que traiter les causes d'une crise avant la crise c'est souvent perçu comme de l'ingérence...

La mesure de l'humanitaire est souvent difficile à prendre pour les acteurs concernés , d'autant plus qu'on parle ici de toutes sortes de crises humanitaires, impliquant l'humain à des degrés divers ou pas du tout :

  • Les Etats qui sont directement impliqués n'aiment qu'on vienne se mêler de leurs affaires internes dans ces crises, qu'ils réfutent même parfois complètement, ou alors ils sont complètement submergés et cherchent des moyens. Dans beaucoup de cas, les circuits d'aide passent par les gouvernements locaux et subissent donc, plus souvent qu'il le faudrait, des prélèvements pour faux frais et autres détournements liés à des niveaux parfois importants de corruption systémique.
  • Les Etats voisins rejettent la faute sur leurs voisins, justement, ou érigent des murs pour se protéger en propageant le plus vite possible le problème ailleurs
  • Les autres Etats, plus lointains serrer les fesses et s'occupent avant tout des diasporas présentes en leur sein, sauf quand ils ont des liens forts avec la région (Allemagne-Turquie par exemple).
  • Les organisations intergouvernementales imposent des procédures bureaucratiques lourdes et raisonnent en statistiques, avec des consensus longs à trouver et difficile à conserver sur la durée
  • Les grandes ONG réagissent vite mais n'arrivent pas toujours à assurer leur indépendance par rapport à des gouvernements qui cherchent à orienter leur action ou des militaires qui cherchent à profiter de leur présence pour combattre les opposants
  • Les petites ONG ont peu de moyens et de visibilité.
  • Le secteur privé qui aide via ses fondations
  • Le secteur privé qui vend ses produits... 
(exemple ici de l'humanitaire selon Facebook, une vraie vision !)

Un tel Sommet est donc l'occasion pour plein d'acteurs (mais pas tous) de se rencontrer. 6000 participants a priori, c'est déjà ça. Une grosse machine, ou plutôt un gros bordel. C'est un travail de longue haleine et l'enceinte de l'ONU n'est pas forcément la meilleure. Les avis sont très contrastés sur ce Sommet et plutôt sceptiques. En voici quelques-uns choisis pour leurs angles différents : un avis africain de Guinée et un autre avis du Gabon, un avis catholique français, l'avis officiel de la Chine qui en profite pour investir dans les pays en développement, l'avis officiel de la Turquie qui en profite pour se faire valoir (et il y a du boulot en matière de démocratie...) et l'avis de la voix officielle de la France RFI qui a au moins le mérite de détailler les mesures proposées.

Le "Grand Bargain" est donc un pacte (non contraignant) qui devrait essayer de concilier aide et efficacité dans le cas des crises humanitaires, quelles que soient leurs causes. Il s'attaque à certains points cruciaux que la "communauté internationale" n'a jamais réussi à résoudre. Un exemple :
La simplification des formalités pour les ONG de terrain. « Un programme d’aide peut être financé par 10 donateurs et chacun a son propre système de suivi, de gestion, etc., explique le secrétaire fédéral de croix rouge croissant rouge Elhadj As Sy. L’allègement consiste donc à faire des analyses communes au niveau des donateurs, à s’accorder sur un rapport qui servirait à tous. Cela permettra d’alléger tout le temps qui est consacré à l’administration, à la bureaucratie, pour des résultats beaucoup plus probants ». C'est un vrai problème, permanent dans tous les programmes de coopération internationale, chacun croyant être seul maître à bord sur son frêle esquif, au lieu de participer à une flottille coordonnée de bateaux d'aide. Ca peut faire sourire ceux qui n'ont jamais été confrontés à ce problème, mais c'est bien pire que de devoir remplir un formulaire de l'administration française (si, si, vous pouvez me croire). Il ne suffit pas de dire que c'est un problème, il faut le résoudre. Un peu de scepticisme ici ne me parait pas superflu...

Grand Bargain ? Un grand compromis, un compromis ambitieux, une grande entente ? Une rhétorique inventée aux USA à l'occasion de la chute du mur de Berlin en 1991 et porteuse d'une idéologie néolibérale du marché ? Une expression qui n'aura de valeur que si le texte final est à la hauteur sinon il risque de n'être que grandiose ou même grandiloquent.

Et quid d'un deuxième Sommet alors ? Pas tout de suite en tous cas. Même si ce premier Sommet n'est pas un coup de Kalachnikov dans l'eau.

Ce billet sera actualisé lorsque le texte final sera disponible...


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire