mercredi 12 octobre 2016

To Parler or not to Parler, c'est la question

Le mur du çon, comme dit le Canard enchaîné, est impénétrable. Parler ou se taire, se murer dans le silence ou murmurer des mots faits pour ne pas être prononcés tout en espérant qu'ils soient répétés, fair la gueule ou gueuler... Des alternatives délicates à manier.

Salah Abdeslam a choisi de se murer dans le silence. Cela n'a pas toujours été le cas puisqu'il a parlé au début quand il a été arrêté en Belgique. Puis ses avocats lui ont conseillé de se taire, grâce à la notion de droit au silence. Puis il s'est tu, emmuré dans une prison isolée, filmé et capturé par des caméras censées contrôler ses dépassements de vitesse comme un radar. Puis il a communiqué avec ses voisins détenus mais toujours pas avec le juge. Puis ses avocats, se rendant compte que la stratégie qu'ils avaient proposée était contre-productive et hors de contrôle ont annoncé (hier) qu'ils se désistaient, après des mois de négociations pour obtenir des avantages en contrepartie de sa parole. Le terroriste a dit ne plus avoir besoin d'avocats. Le mur du silence est tombé sur lui. Mais pas celui de l'oubli, non, non ! En justice, la parole est sacrée. Elle sert à expliquer les différentes positions par rapport à la magistrature assise ou debout. Elle set donc l'un des principaux objets de manipulation. La mémoire des médias et des citoyens est heureusement courte. Qui se souvient de cette séquence ?

Les politiciens, eux, parlent beaucoup. C'est un de leurs attributs. Ils écrivent des livres aussi, ou plutôt les font écrire par des nègres comme on disait à l'époque d'Alexandre Dumas. Les meetings sont l'occasion de parler, avec ou sans effets de manche comme les avocats, avec ou sans intonations de tribuns. Avec ou sans contenu aussi. Souvent. Macron, le non-candidat à tout en a encore une fois apporté un exemple éblouissant hier au Mans. Le discours sur le nécessaire dialogue économique (et social) est savoureux quand il vise à encadrer ce dialogue dans des règles à la fois très calibrées et très libérales. Mais quand il est dit avec un ton "jeune" (hum hum) il passe mieux que dans la docte bouche d'un candidat de 70 ans. Car la parole a un âge. Si, si. Dans le choix des mots, dans le ton, dans le message subliminal qui est véhiculé. Qu'on soit assis le jour dans une salle ou la nuit debout, c'est par cette parole que passent les messages.

Les politiciens parlent beaucoup en effet, mais certains plus que d'autres. François est en plein déballage en cette période pré-primaires. Il y avait eu ce livre de conversations privées et maintenant un autre ce jeudi sur ce qu'il ne devrait pas dire. Bavard, notre président ? Oui, c'est un fait. Comme tout responsable, sa parole est plus écoutée, scrutée, disséquée que celle des autres en-dessous, conformément à la bien connue "Loi de Georges" qui dit : Plus on est haut, plus la parole est lourde. Je ne parle pas ici du corollaire américain de Trump : Plus on se croit au-dessus des autres, plus la parole est au-dessous (de la ceinture). Et quand on dit d'une parole qu'elle est écoutée, en parlant des médias, encore faut-il qu'elle soit filtrée, comparée, croisée. Sinon, elle est simplement véhiculée. Quand c'est en direct devant des millions d'auditeurs, c'est un véhicule très puissant. Mais dans le silence des Palais de la République, c'est encore plus efficace.

François, dans ses Confidences, disant une vérité que seuls les journalistes ne veulent pas voir

La parole, c'est bizarre. Pendant qu'on parle, en général, on ne peut pas écouter la parole des autres. La notion de dialogue suppose une forme d'équilibre, sauf à être dans le dialogue socratique avec un maître et un élève ou dans la la dialectique manipulatrice qui vise à amener l'autre sur votre terrain. De temps en temps, en "parlant" avec quelqu'un, ou en écoutant une conversation, on a nettement l'impression qu'il s'agit d'une autre langue. Oh, ce sont bien les mêmes mots, mais ils sont arrangés dans une langue différente dont les objectifs sont inconnus, qu'on l'appelle la novlangue, l'hexagonal, la langue de bois ou un pipotron. Souvent ce qu'on attend, comme parole, est stéréotypé. Si Mélenchon parlait comme Macron ou Juppé comme Sarkozy, ou Le Pen comme Le Pen, on serait surpris, tant il s'agit d'un jeu de rôle où l'art de l'acteur est primordial. Je ne résiste pas au plaisir de vous renvoyer vers cette histoire bien connue sur Einstein qui traite avec humour de l'Art de la parole. Ce qui est intéressant, évidemment, que cette histoire soit vraie ou inventée, c'est qu'elle décrit une vérité objective sur l'influence de la parole, quel que soit son auteur ou son acteur. Comme si elle existait dans l'absolu. Comme un palabre sous le pâle arbre du silence des ânes auditeurs.

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