lundi 19 décembre 2016

Responsable ET coupable, mais pas de peine

Relax, relaxe.

La relaxe, c'est ce qu'avait demandé le ministère public dans l'affaire Christine Lagarde, parce qu'elle avait fait preuve de négligence dans l'affaire de l'arbitrage Tapie-Etat qui avait évidemment à l'époque été décidé plus haut qu'elle, même si elle était ministre. Finalement, la cour ad hoc qui est la seule à pouvoir juger les anciens ministres, la CJR, a décidé de la juger coupable mais sans aucune peine à tirer. Relax, Christine, vous allez pouvoir continuer à diriger le FMI sans anicroche, même si le FMI doit se réunir prochainement pour en parler. Une cour de justice qui n'a pas souvent donné de verdict dur, en fait. La dispense de peine est un blanc-seing.

Négligence coupable ? Kézaco ? Dans la vraie vie, pour les gens normaux, une négligence coupable est souvent sanctionnée par une peine. Mais les ministres c'est autre chose. Il est tellement facile de se dispenser soit même en mettant la faute sur ses "collaborateurs". Après tout, l'erreur est humaine, non ? Et la négligence encore plus courante. Vous avez négligé de vous brosser les dents ce matin et de fermer la porte du coffre-fort en partant. Dans beaucoup de situations professionnelles, ces fautes (légères ou lourdes) sont causes de licenciement. Mais un ministre, ça déjà (été) démissionné depuis longtemps quand ce genre d'affaire est jugée. La négligence, d'ailleurs, est toujours coupable et peut conduire à des dommages et intérêts. Cette forme d'acédie suppose une paresse intellectuelle, à distinguer de la procrastination, mais qui se rapproche d'une tendance au laisser-faire, qui est d'ailleurs souvent répandu dans les milieux décisionnaires : combien de problèmes trouvent leur solution en ne faisant rien, au fait ? Alors soit on "oublie" soit on "décide ne ne rien faire". Ce n'est pas la même chose, pourtant, et tous les décideurs le savent. Ne pas prendre de décision, c'est en prendre une. Choisir ou oublier, c'est dans tous les cas une décision consciente, pas un acte manqué freudien.

Responsable (elle l'a dit) et coupable (la cour l'a dit) ? On ne retrouve pas la formule célèbre de Georgina Dufoix pendant l'affaire du sang contaminé "Je me sens profondément responsable ; pour autant, je ne me sens pas coupable". Cette subtile différence pose en effet le problème du point de vue : je suis responsable, mais il n'y a pas de raison que je sois coupable, d'une part ; vous êtes responsable, il y a délit ou faute, donc vous êtes coupable, d'autre part". Un vrai retour rafraichissant sur nos hommes politiques et la notion même de responsabilité.

Le citoyen normal ne peut pas comprendre cet état de fait s'il ne comprend pas l'origine même de la notion de Pouvoir en France, à travers les rôles des ministres qui assistent le centre du Pouvoir (le Président, en France). Il est en effet facile de transposer les notions complexes de Pouvoir, de Budget et d'Etat dans la vraie vie quotidienne, avec nos problèmes de tous les jours. Or un Etat ne fonctionne pas comme une famille ou une entreprise, sinon la plupart des Etats auraient fait faillite depuis longtemps et leurs responsable seraient tous en prison. Vouloir confondre ces deux sphères est donc un amalgame sot et manipulateur, souvent dans la bouche des populistes prêts à tout pour arracher une voix de plus. Sauf qu'il faut expliquer en des termes clairs ces différences, au risque de favoriser ces populismes qui crient bien vite au "tous pourris".



Ce qui est au-dessus est un exemple lepéniste de désinformation, un parmi d'autres.

Alors, oui, cette histoire doit nous faire réfléchir. Car réfléchir, c'est acheter notre droit à la liberté et à la responsabilité. Ne pas réfléchir, c'est permettre grâce à cette négligence aux manipulateurs de s'infiltrer dans notre vie, publique et privée. Car on ne peut plus dire comme La Fontaine dans les animaux malades de la peste "Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir". En tous cas on ne peut plus le dire sans réfléchir à la variété des contextes historiques, entre une république et une royauté absolue.

Et, s'il vous plait, pas de commentaires machos sur le fait que Christine est une femme donc négligente ou que la nouvelle Miss France vient d'outre-mer avec ses couleurs. Célébrons Zsa Zsa Gabor, une sorte de Sacha Guitry à l'envers avec ses neuf mariages, qui vient de mourir juste avant ses cent ans, elle qui avait dit avec justesse et lucidité  «La seule profondeur qui intéresse les hommes chez les femmes est celle de leur décolleté.»



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