jeudi 22 juin 2017

L'essence de l'équilibre - "En même temps"

Et hop ! On est vraiment parti pour ce nouveau quinquennat maintenant. Un gouvernement au complet, une Assemblée nationale en place avec un majorité solide et des groupes parlementaires alliés... et un président bien installé. Ne reste plus qu'à agir et à avoir des résultats.

Un petit regard en arrière quand même sur les équilibres actuels.

Jeunes et en même temps vieux : un équilibre temporel partout autour de Macron qui n'a pas peur d'avoir autour de lui des plus jeunes et des plus vieux. Un doux mélange qui permet de mettre en avant ceux qui sont les plus adaptés à chaque moment. On insiste beaucoup en ces premiers jours sur les plus jeunes, car ils étaient bien rares avant, mais ça va se tasser.

Expérimentés et en même temps novices : un autre équilibre temporel mais sur la durée de vie en politique ou aux responsabilités. Là aussi, un équilibre bien calculé pour avoir des experts plus ou moins séniors, des juniors et des individus n'ayant pas trop de leçons à donner ou à recevoir. On insiste beaucoup sur les novices, mais il y en a plein à chaque fois, dont on n'entend plus jamais parler ensuite.

Hommes et en même temps femmes : une première à l'Assemblée à ce niveau (presque 40%) et un très beau score pour la parité au gouvernement, avec des ministères régaliens aux mains de femmes, pas seulement des secrétariats d'Etat. On insiste beaucoup sur les femmes dans les médias, avec un air un soit réjoui des journalistes soit hésitant, une conséquence naturelle du machisme ambiant et qui en a quand même pris un coup ces dernier jours.

De droite et en même temps de gauche : avec des groupes satellites autour. A droite les cons tructifs (j'ai pas bien compris le sens de ce dernier mot), et à gauche les radicaux de gauche qui aimeraient bien faire pareil pour équilibrer et ne pas rater le train, quitte à s'allier avec des socialistes de progrès (un quasi oxymore). Le mot centre disparait petit à petit pour être remplacé par l'adjectif macronien, ni de l'un, ni de l'autre, ni du troisième.

Cadres et en même temps non cadres : euh... ok il y a des non cadres, mais pas beaucoup et pas au plus bas niveaux. Comme dans toute organisation (sauf la fameuse armée mexicaine), il y a toutes sortes de niveaux de responsabilité et de compétences. Tant qu'on n'est touché ni par le principe individuel de Peter sur l'incompétence, ni par la loi organisationnelle de Parkinson sur l'autisme collectif, tout va bien. Gaffe quand même.

Ambitieux et en même temps consciencieux : un doux mélange nécessaire dans le monde du travail, tout dépend du dosage. Un vrai métier d'équilibriste sur un fil de fer coupant comme un rasoir (d'Occam). Un consultant en RH insisterait sur le rôle du management pour contrôler tout ça. Ca tombe bien : il y a un pilote dans l'avion !

Coupables et en même temps innocents : même avant d'être jugé, mis en examen et demain soupçonné. Un syndrome sain en fait. Mais qui entre tellement en conflit avec des habitudes ancrées dans les pratiques, qu'il faudra quelques affaires pour évoluer. Lorsqu'on dit, couramment, que c'est bien fait pour Untel car il a été trop bête pour se faire prendre, on légitime ceux qui ont été moins bêtes et qui ne se sont pas fait prendre. Comme ces responsables qui n'écrivent jamais rien pour ne pas laisser de trace. Comment changer ? Exemplarité des sages ou excommunication des moutons noirs ?

Monde politique et en même temps société civile : il fut un temps où le mot technocrate était honni, où l'expression société civile était parée de toutes les vertus et où le monde politique était intouchable et réservé. Les lignes de fracture sont moins visibles aujourd'hui : les technocrates sont appelés des experts de leur domaine et ne sont légitimes que adoubés par leurs pairs, ce qui n'est pas évident, chaque microcosme étant plein d'égos surdimensionnés par exemple ; les sociétés civiles se déchirent et se clivent souvent, conduites par des leaders qui veulent avant tout affirmer leur statut dominant et leur capacité à parler au nom des autres ; le monde politique a été investi par de simples citoyens non simplets qui ont mille moyens pour intervenir de plus en plus dans le débat.

Bavard et en même temps muet : Il y a ceux qui parlent, qui commentent, qui discutent, qui critiquent (on aime bien ça chez nous). Et il y a ceux qui agissent et tranchent. Une opposition simpliste mais bien réelle quand même. Macron lui-même a choisi la seconde branche de l'alternative. Reste la pédagogie. L'explication. La mobilisation. La motivation... surtout face à des paroles violentes qui ne manqueront pas de se succéder les unes aux autres, venues de tous les bords extrêmes, partageant de manière opportuniste les mêmes mots violents. Et la parole est d'autant plus cruciale (qu'elle soit rare ou omniprésente) qu'il est de plus en plus difficile de séparé l'info de l'intox de nos jours, malgré la multiplication courageuse des décodeurs.

Espoir et en même temps fatalisme : espoir que Macron réussisse comme équilibriste, ou fatalisme genre "ça va rater et dans 5 ans on se retrouve avec le FN" ? Deux attitudes opposées, optimisme-pessimisme, de manière classique et intrinsèques à notre espèce. Un grand mouvement ou des petits pas ? Les premiers pas seront de toutes façons les plus importants.

En Marche et en même temps dans un autre mouvement : debout pour résister ? en marche pour avance ? assis pour regarder de son canapé ? allongé pour subir l'esclavage ? accroupi pour montrer que ça fait chier ? en courant pour se vider la tête ? immobile pour passer inaperçu, idéalement la tête dans le sable comme l'autruche ?... C'est la semaine du yoga. Profitons-en pour alterner les postures.

Macron et en même temps Macron : De Jupiter à Janus. Suivant un cap et un projet, ou voguant habilement sur les flots ? On sait qu'il a de la chance, une grande habileté et intelligence dans plusieurs sens du terme. C'est un bon début. S'il pouvait simplement arrêter de dire "en même temps" tout le temps, ce qui devient un tic de langage de ses "followers". En même temps, c'est une expression dangereuse. On sait bien que toute décision est prise après une écoute attentive des diverses possibilités. Mais le consensus mou ou l'inaction sont des conséquences possibles d'un Enmêmetempisme mal maîtrisé. En même temps n'a de sens que si on ne voit pas le monde comme binaire (droite vs gauche par exemple) mais plutôt comme multipolaire, multicentré, flou, fluide. Comme une mer, donc.

Reconnaissez que c'est plus intéressant à suivre qu'avant, non ?




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